Le Crowdfunding est aussi une arme solidaire, servez-vous en !

Le Crowdfunding est aussi une arme solidaire

Vous pensiez que le Crowdfunding était réservé aux start-ups ? Non ! L’économie collaborative est en marche et tout le monde surfe dessus, y compris les professeurs de l’Éducation Nationale, qui se bougent pour sortir leurs élèves et remplir leurs têtes d’Histoire. Mais où va le Web les invite et vous encourage à soutenir un projet pédagogique ambitieux.

Sachez avant de commencer votre lecture que le projet de financement mis en place par des professeurs de l’Éducation Nationale et détaillé plus bas dans cet article est déjà en ligne sur la plate-forme Ulule. 1500€ devront être récoltés avant le 30 Janvier et versés au Foyer d’Action Culturelle d’un collège ZEP de Vitry-sur-Seine, qui ambitionne de financer un voyage éducatif en Pologne, à l’occasion du 70ème anniversaire de la libération des camps nazis. Cet article a été coécrit avec eux, afin de relayer leur projet en donnant de la perspective sur l’état du financement participatif et ses enjeux actuels.

C’est quoi, le crowdfunding ?

Le crowdfunding (« financement par la foule ») est un système de financement participatif : il consiste, pour un porteur de projet, à organiser une levée de fonds auprès d’une communauté, parfois en échange de contreparties définies au préalable.

Les plateformes dédiées au financement participatif sont apparues sur la Toile au début des années 2000, dans un contexte où les acteurs financiers traditionnels (Etats, banques) se montraient de plus en plus réticents à soutenir des projets en phase d’amorçage, ou considérés comme fragiles. Depuis, ce mode de financement a connu une croissance fulgurante : en 2012, les 308 plateformes recensées par le site www. crowdsourcing.com ont récolté 2 milliards d’euros et ont permis de financer plus d’un million de projets, principalement en Amérique du Nord et en Europe. Dans le sillage des leaders américains, comme Kickstarter, des plateformes françaises se sont imposées dans le paysage du financement participatif : les plus connues sont Ulule, Kisskissbank ou My Major Company.

Le crowdfunding solidaire : depuis quand ?

Si le crowdfunding a d’abord servi à financer des projets innovants dans des start-ups, il prend aujourd’hui différentes formes : entrepreneuriale, culturelle, sportive ou solidaire. Dans le domaine de la solidarité, la finance participative constitue une véritable petite révolution !

Les exemples sont nombreux qui témoignent du succès de ce mode de financement : en 2004, un couple d’Américains fonde le site internet Kiva, destiné à mettre en relation des individus disposant d’une petite épargne et des micro-entrepreneurs ayant besoin de soutien financier[2].

L’essor du crowdfunding peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

  • Sentiment de proximité avec les porteurs du projet
  • Visibilité de la proposition
  • Fédération d’une communauté autour du projet
  • Pression du temps (la collecte s’effectuant au cours d’un délai fixé au préalable).

Accélératrices de succès pour certaines entreprises, les collectes de fonds sont aussi organisées par des individus anonymes pour soutenir leurs concitoyens dans le besoin : en novembre 2011, les employés du tramway de Nice font ainsi parler d’eux, après avoir offert 362 journées de RTT à l’un de leurs collègues, confronté à la maladie de sa femme.

Concrètement :

Mais où va le Web a rencontré quatre professeurs d’un collège ZEP de Vitry-sur-Seine, qui, à l’occasion du 70ème anniversaire de la libération des camps nazis, organisent en avril prochain un itinéraire de trois jours en Pologne, à Cracovie et Auschwitz-Birkenau, avec deux classes de Troisièmes. En plus d’avoir sollicité le soutien d’institutions officielles, ces professeurs, soucieux de faire baisser au maximum le coût du voyage pour les familles de leurs élèves, font appel au financement participatif. Interview.

  • Sur la plateforme Ulule, vous sollicitez le soutien des internautes pour vous aider à financer votre projet pédagogique. L’Éducation Nationale est pourtant réputée pour sa frilosité à l’égard des nouvelles technologies…

Nous pensons qu’il est important de faire une mise au point, en ce qui concerne les TICE (technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement).

Les professeurs sont comme tous les Français, ils vivent avec leur temps…ils ne sont pas réfractaires aux nouvelles technologies, au contraire, ils sont de plus en plus nombreux à s’emparer de l’outil numérique en classe. 

Mais en même temps, ils estiment nécessaire de mener une véritable réflexion sur la plus-value pédagogique que cet outil peut et doit apporter dans l’apprentissage. En Histoire-Géographie, utiliser power point ou workspace est souvent extrêmement utile : nous pouvons vidéoprojeter des documents ou construire des cartes interactives avec les élèves, par exemple. Plus généralement, le fait de nous appuyer sur des supports variés (extraits vidéo, webdocumentaires, documents sonores…) permet de rendre nos cours vivants et dynamiques. A l’occasion des commémorations de la Première Guerre mondiale ou du Débarquement allié en Normandie, des ressources très riches ont ainsi été conçues pour le Web.

De là à en conclure que le numérique va sauver l’école… le raccourci est un peu rapide : outre les obstacles techniques qui freinent l’utilisation des nouvelles technologies en classe (connexions internet défaillantes, matériel vétuste…), une utilisation régulée et profitable du numérique exige une certaine maturité de la part des élèves, ainsi qu’un contrôle parental minimal. C’est loin d’être toujours le cas. Dans la pratique, nous constatons tous que l’usage du copié-collé sur internet a tendance à restreindre considérablement l’autonomie de la pensée, par exemple. De plus, aucune étude convaincante n’a prouvé que le recours systématique au numérique permettait de rendre plus efficace l’acquisition des connaissances ou des méthodes de travail… Enfin, la relation humaine est au cœur du processus d’apprentissage, dans l’éducation comme dans l’instruction : il est illusoire de penser que des tablettes vont pouvoir remplacer les enseignants ou les parents.

 il est illusoire de penser que des tablettes vont pouvoir remplacer les enseignants ou les parents.

Dans le cas du financement de notre projet de voyage, il est évident qu’internet peut constituer un relais efficace, qu’il serait dommage de négliger. Cela dit, le projet est avant tout porté par une équipe, par des personnes qui ont construit une relation solide avec leurs élèves et qui sont soucieuses d’utiliser les différents outils qu’elles ont à leur disposition, afin de donner vie à leur idée.

  • Concrètement, quels sont vos objectifs pédagogiques en organisant un tel projet ? Qu’allez-vous faire avec les fonds levés ?

Pour nous, aller en Pologne à l’occasion du 70ème anniversaire de la libération des camps nazis (que nous commémorerons en 2015), c’est véritablement l’occasion de mener un projet interdisciplinaire et ambitieux : en offrant à nos élèves la possibilité de mettre en regard leurs cours d’histoire et de lettres, nous souhaitons leur permettre de confronter le savoir qu’ils auront acquis en classe à la réalité d’un pays chargé de mémoire.

Un objectif : organiser un itinéraire en Pologne à la croisée des mémoires et de leurs disciplines.

Un objectif : organiser un itinéraire en Pologne à la croisée des mémoires et de leurs disciplines.

En amont, nous travaillons avec eux sur des documents historiques, des œuvres autobiographiques et des productions artistiques : nous souhaitons à la fois les faire réfléchir sur la charge affective de la mémoire et la mise à distance nécessaire du discours historique, ainsi que sur les effets parfois pervers de la méconnaissance (le racisme, l’antisémitisme, le négationnisme). En aval, nous avons prévu plusieurs types de restitution, qui feront d’ailleurs l’objet d’une exposition. Mais si vous souhaitez davantage d’informations, nous vous invitons à consulter la présentation que nous avons faite de notre projet sur le site Ulule : http://fr.ulule.com/itineraireenpologne/

  • Est-ce vraiment aux citoyens de financer des projets pédagogiques ? N’est-ce pas là la marque d’un certain abandon de l’École républicaine par les pouvoirs publics ?

C’est une très bonne question. Il est évident que l’essor de ce mode de financement révèle la difficulté croissante, de nos jours, à trouver des fonds pour organiser des projets culturels, artistiques ou pédagogiques. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de souligner que le recours à ce type de financement n’empêche nullement, par ailleurs, de s’impliquer dans la sauvegarde (et l’amélioration) d’un service public de qualité. Il est d’ailleurs assez paradoxal de voir que presque la moitié des Français fait au moins un don par an, le plus souvent à des associations caritatives, alors qu’on assiste parallèlement au désengagement de l’Etat dans certains domaines clés de l’action publique (santé, recherche…).

Cela dit, au quotidien, nous devons être pragmatiques : soit nous renonçons à mener des projets un peu ambitieux avec nos élèves, faute de moyens, soit nous nous battons pour trouver des modes de financement alternatifs et multiplier les initiatives destinées à lever des fonds. Nous avons choisi la seconde solution, même si cela demande énormément d’énergie et de temps ! Nous (les professeurs et les élèves) sollicitons d’abord nos proches, nos amis, car ils nous connaissent et nous font confiance ; si grâce à leurs relais, nous pouvons toucher un public plus large, nous en serons ravis.

« Au-delà de notre propre projet, il nous semble en effet qu’une telle initiative peut intéresser tous ceux qui sont attachés aux ambitions fondamentales de l’Ecole républicaine : former des citoyens capables de s’appuyer sur des connaissances solides pour élaborer leur propre réflexion, en même temps que des individus capables de se construire une vraie place au sein de la société. »

 

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