Le même en mieux : cette startup qui a décidé d’uberiser Amazon

Il est des business qui éclosent sous des velléités militantes. Qui n’a pas rêvé de renouer avec son libraire plutôt que d’alimenter Amazon ? Qui n’écouterait pas cette petite voix qui vous souffle à un clic de l’achat qu’un autre produit équivalent et plus éthique est disponible pas si loin que ça ?

C’est le parti-pris de Le même en mieux : société née en 2014 de cinq fondateurs bordelais, elle définit son produit comme « l’assistant d’achat indépendant » sur internet. Petite extension qui se télécharge sur tous les navigateurs, Le même en mieux a le mérite de la simplicité : chaque fois que vous irez visiter un site de e-commerce (Amazon, SNCF, Pixmania et bien d’autres), une petite fenêtre viendra vous proposer des alternatives basées sur les critères suivants : éthique, prix, durée de vie, écologie, santé, origine du produit.

Le même en mieux : plus qu’un comparateur

Au premier abord, LMEM (Le même en mieux) semble faire le même job qu’un comparateur de prix ou un guide d’achat. Déjà aujourd’hui, on ne compte plus les sites qui comparent les produits et proposent des alternatives, si tant est qu’on les visite et qu’on y recherche explicitement une référence. Cependant, force est de constater que si l’on connaît quelques-uns de ces sites, on ne s’y rend que trop rarement. L’astuce avec LMEM, c’est qu’il vous alerte systématiquement au moment où vous achetez ceci ou cela sur les grands sites de e-commerce auxquels plus personne n’échappe.

Pour Marteen Samson, ancien consultant et co-fondateur de LMEM, l’idée est avant tout de cibler les utilisateurs qui ont la volonté de changer leurs habitudes de consommation mais qui ne s’y mettent pas vraiment :

« Nous ne nous adressons pas ceux à qui ont déjà réfléchi à leurs habitudes de consommation, ceux-là ont déjà fait le boulot, ils ont déjà un équilibre, ils ont rationalisé leurs choix. Mais beaucoup d’autres gens n’y arrivent pas ou n’ont pas le temps : ce qu’on leur dit, c’est qu’on va leur trouver mieux sans que ça leur prenne des heures. LMEM s’adresse à tous ceux qui achètent souvent sur internet, mais qui souhaitent améliorer leur choix, quitte parfois à revenir à des achats en magasin local plutôt que sur internet ».

Pour faire simple, la proposition de valeur de LMEM, c’est la reconscientisation de l’utilisateur au moment clé ou il va succomber au mal. Ainsi, si j’effectue une requête sur Amazon pour acheter un livre (ici, un exemple pris totalement au hasard), LMEM me rappelle que la librairie du coin de la rue a le même bouquin en stock. En outre, il s’avère que cette librairie est plutôt sympa et qu’on peut y prendre un café :

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Le même en mieux uberise Amazon

« Avec Le même en mieux, on désuberise » 

En effet, la force des sites de e-commerce, c’est la puissance de déconnexion cognitive qu’ils occasionnent dans nos petites cervelles. Amazon par exemple avec son brevet déposé sur le « one click buying » est redoutablement efficace pour faire chauffer votre carte bleue au coût cognitif le plus bas. Chez Google, on appelle « Zero moment of Truth » ces intervalles intermédiaires entre le premier contact avec le produit et l’achat final. Là où LMEM est malin, c’est qu’il s’insère judicieusement en plein milieu de ces moments fatidiques ou l’on est bien souvent plus influençable, pour nous rebrancher avec une réalité alternative.

Pour les fondateurs, LMEM est aussi l’occasion de mettre le doigt sur l’hypocrisie d’un système qui fait prévaloir la concurrence pure et parfaite quand il favorise la constitution de monopoles. A sa façon, LMEM désintermédie les acteurs du e-commerce. Là où les géants du web uberisent tous ce qu’ils touchent, LMEM propose une nouvelle désintermédiation :

« Nous ne nous positionnons pas spécifiquement sur l’écologie ou le local, nous militons pour donner de la visibilité aux alternatives en général. Il y a des acteurs dominants qui de par leur position accaparent l’ensemble des consommateurs, c’est l’entonnoir du e-commerce. Sur internet, on finit toujours chez les mêmes vendeurs. Avec Le même en mieux, on « désuberise » ! On transforme l’entonnoir en passoire ! »  

La vision de Marteen, c’est aussi de mettre en visibilité ce qui existe déjà comme alternative, plutôt que de continuer à en constituer de nouvelles vouées à l’échec :

« Les alternatives existent, le problème c’est qu’elles ne sont pas accessibles, on pourra toujours en créer plus, si l’on n’améliore pas l’écosystème d’information. L’ambition de LMEM c’est de s’attaquer aux systèmes qui empêchent les alternatives d’émerger.  » 

Le business model du rémora

Il faut bien le dire, Le même en mieux est une initiative qui a son côté parasite. Oui, si Amazon venait à s’effondrer, la société coulerait avec le géant. Oui, le business modèle est fragile. Mais ils sont loin d’être les seuls, comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques temps, Le même en mieux fait partie de ces sociétés qui ont pour totem le « rémora », ce petit poisson qui s’agrippe comme une sangsue aux flancs des plus gros, bénéficiant de l’inertie de son hôte et récupérant quelques restes au passage. Chez LMEM, on préfère la métaphore du judo : utiliser la force de l’adversaire pour faire changer les habitudes. Poussée à l’extrême, cette stratégie revient à scier la branche sur laquelle LMEM est assis (mais ne serait-ce pas là une grande victoire ?).

Mais l’équipe a de la suite dans les idées et multiplie les sites où s’agripper, diminuant le risque de dépendance à un ou plusieurs acteurs. De Pampers à Trip advisor, en passant par Lactalis et Nespresso, l’équipe aura toujours une alternative à vous proposer, ou une information citoyenne à vous donner.

D’ailleurs ce positionnement lui a valu quelques grognements. Avec SNCF par exemple, la tension est palpable : l’entreprise du ferroviaire n’apprécie pas de voir – même virtuellement – « quelqu’un entrer dans leur magasin et dire aux gens d’aller en face ». Qui plus est, Le même en mieux vit de l’audience des grands sites de e-commerce et bénéficie de leurs technologies (par exemple : le moteur de recommandation d’Amazon), ce qui augure quelques batailles juridiques sur le terrain de la propriété intellectuelle.

Plus critique encore, Le même en mieux fournit des conseils aux consommateurs. Avec Pixmania, l’équipe prévient carrément que le site de e-commerce fait l’objet de nombreuses plaintes en 2016, de quoi refroidir l’enseigne :

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Le même en mieux uberise Pixmania

Le même en mieux est-il l’ennemi du bien ?

Alors oui, les objections vont fuser, on nous dira que Le même en mieux est une énième façon de consommer qui ne résout pas la question et que le produit le plus écologique; c’est celui qu’on ne consomme pas.

Et puis il y a ce point de vigilance concernant l’indépendance de la société, nous avons tous en mémoire l’histoire d’AdBlock Plus, ce bloqueur de publicité si populaire qu’il a commencé à proposer aux annonceurs de laisser passer quelques pubs contre rémunération sonnante et trébuchante. Atteint une certaine masse critique d’utilisateurs, la tentation de se corrompre n’est pas loin.

Le même en mieux n’en est pas là pour le moment. Fonctionnant sur un modèle d’affiliation, l’entreprise en est encore à ses débuts. A court terme, le projet est d’ajouter un maximum de sites d’e-commerce et d’alternatives correspondantes (électro-ménager, jouets, hébergement, etc.). Pour ça, les utilisateurs peuvent déjà être mis à contribution en proposant directement sur le site l’une ou l’autre de ces catégories. L’équipe prévoit aussi de rester indépendante et transparente sur le choix des sites, des alternatives ainsi que sur leur mode de classement :

« On le fera en toute transparence, on dira qui nous paie quoi pour qu’on puisse vérifier que nous sommes indépendants. Les règles de recommandations sont également transparentes. » 

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