Philosophie et entreprise ont-elles un avenir commun ? Pour une pensée pratique et une pratique pensante

La thématique des relations que philosophie et entreprise peuvent entretenir est un sujet encore relativement marginal, mais de plus en plus discuté. Derrière l’apparent pragmatisme du sujet, c’est la question du rapport entre pensée et action qui se pose. Que peut signifier une philosophie agissante et en quoi l’entreprise représente-t-elle un lieu potentiellement favorable à l’épanouissement d’une telle philosophie ? Deux grands sujets se distinguent ici. Le premier demande une clarification de la figure du philosophe et du rôle qu’il pourrait avoir « en » entreprise. Le second appelle à réfléchir aux moyens d’éviter que la philosophie n’intègre le vaste processus d’auto-perpétuation par phagocytose qui permet au système économique actuel de tenir. Autrement dit : comment éviter que la philosophie ne devienne, à l’instar de l’éthique, un énième instrument publicitaire de légitimation par l’apparence ?

Julien De Sanctis (@JulienDeSanctis) est doctorant CIFRE en philosophie des techniques à l’UTC et chez SPooN, une entreprise de robotique sociale. L’analyse qu’il propose dans cet article est issue des réflexions et de l’expérience de « philosophe en entreprise » qu’il construit avec sa société d’accueil.

Dans cet article, je tenterai surtout de prendre en charge le premier sujet en m’appuyant sur mon expérience de doctorant CIFRE en philosophie au sein de SPooN, une entreprise de robotique sociale[1]. Ma réponse s’articulera autour de trois grands points : l’altérité, la communication et le design.

Un peu de contexte

Ce n’est un secret pour personne, le financement français de la recherche en sciences humaines et sociales (SHS) est un calvaire confinant, par endroit, à l’absurdité. Tout le monde s’accorde à dire que les SHS ont un rôle crucial à jouer dans le devenir humain, mais c’est bien connu, les bourses se délient moins facilement que les langues. Après tout, on n’a jamais vu un philosophe ou un anthropologue[2] déposer un brevet. La question de la diversification des moyens de financement en SHS se pose ainsi avec vigueur et certains, comme moi, se tournent vers l’entreprise pour avoir la chance de mener à bien leur projet de thèse.

Disons-le, mon entrée en doctorat s’est jouée sur un coup de poker. Passionné par la philosophie des techniques, j’étais à peu près certain de ne trouver aucun financement d’origine publique dans cette branche à la fois trop marginale et trop « novatrice » de ma discipline. J’ai donc entamé mon projet de thèse en pariant sur un avenir plus qu’incertain : trouver une structure privée qui accepterait de financer ma recherche en CIFRE (Convention Industrielle de Formation par le Recherche). Bien qu’il soit aujourd’hui de bon ton (néolibéral) d’affirmer qu’on provoque sa chance – comme si tout ne dépendait que de l’individu autonome et tout puissant pourvu qu’il le veuille – force est de constater que l’obtention effective de cette CIFRE, chez SPooN, est en grande partie dû à ma bonne étoile (bon endroit, bon moment, bon partenaire). Bien entendu, ce type de financement n’était pas pour moi un financement faute de mieux. Travaillant sur le jeune sujet de la robotique sociale et de ses implications éthiques, je pensais et pense toujours que le meilleur moyen de comprendre le domaine est d’être sur le terrain, au cœur des pratiques techno-économiques aboutissant à la conception des robots dits sociaux (et donc d’associer à la démarche philosophique, une démarche anthropologique) ; mais indépendamment de la pertinence du dispositif CIFRE quant à mon sujet et à la pratique je souhaite développer, la réalité est que le secteur privé représente parfois le seul espoir, même infime, d’obtenir un financement. A cela s’ajoute deux phénomènes qu’il ne faut pas sous-estimer : les difficultés post-doctorales bien connues (postes libres peu nombreux voire inexistants, concurrence acharnée – et, en prime pour la philosophie, mauvaise réputation du monde universitaire – santé financière lamentable de l’Université etc., et la volonté d’expérimenter d’autres pratiques philosophiques qui, sans perdre la rigueur et l’indépendance académique, auraient un débouché, au moins partiel, hors des seuls murs de l’Université.

Je fais partie de celles et ceux qui souhaitent explorer le couple philosophie/entreprise pour inventer un nouvel espace de pensée pratique et de pratique pensante où le pouvoir transformateur de la première pourrait s’exprimer pleinement sans que la seconde n’en fasse l’objet d’une creuse publicité. Cet espace doit-il être dans l’entreprise ou « tout contre » elle, pour reprendre le mot de Xavier Guchet[3] dans un riche entretien avec La Pause Philo ? C’est là un problème de taille face auquel je n’ai pas encore de réponse décisive. Toutefois, on peut rapidement signaler que s’il s’agit d’être en entreprise pour philosopher et non pour exercer quelques autres fonctions plus classiques, il est clair que le statut du philosophe doit être savamment et posément élaboré pour qu’il demeure cet autre radical capable d’enclencher des processus réflexifs profonds au sein de l’organisation. J’y reviens juste après.

Quoi qu’il en soit, avant de rentrer dans une logique de comparaison quasi déontologique, le but premier de la réflexion à venir est de proposer une première analyse de ce que je commence à connaître par expérience, à savoir la position de philosophe en entreprise. Et la première question à se poser est : pourquoi philosophie et entreprise feraient-elles appel l’une à l’autre ?

Insistons toutefois sur un point potentiellement polémique avant d’aller plus loin : bien que je sois favorable à une conception transformatrice de la philosophie, c’est-à-dire tourné vers la transcription du penser dans l’agir, il serait profondément délétère de vouloir la rendre à tout prix productive. Comme nous le verrons, l’acte de questionner possède une dignité propre que l’absence de réponse finale ou définitive n’entache aucunement.

Altérité radicale et in-compétence

Je voudrais commencer par dissiper un lieu commun : contrairement à ce que l’on peut parfois lire, un philosophe n’a pas en tant que tel de compétence. Citons à nouveau Xavier Guchet :

« Que dira-t-on si l’on tente de penser des « compétences » philosophiques : que la philosophie forme à l’esprit critique, à la faculté d’analyse, ou bien de synthèse ? Qu’elle apprend à construire des problèmes ? A argumenter ? D’accord, mais en quoi cela est-il propre au philosophe ? L’historien(ne), la/le sociologue, l’anthropologue (pour ne citer qu’eux) problématisent elles/eux aussi, elles/ils exercent elles/eux aussi leur esprit critique et leur aptitude à la synthèse, et bien sûr elles/ils argumentent. L’activité philosophique est spéciale. Néanmoins, cette singularité ne se laisse pas cerner par l’identification de « compétences » particulières, uniques, de celle/celui qui exerce cette activité. Raisonner en termes de « compétences », c’est vouloir répondre à la question du « lieu » : comment situer le philosophe dans un champ professionnel où s’expriment des besoins plus ou moins bien définis, et qui pour être traités et satisfaits réclament des compétences spécifiques ? Que l’étudiant(e)s acquière des compétences dans le cours de ses études, c’est évident ; mais ces compétences ne le définissent pas comme philosophe par opposition au non-philosophe. »

La philosophie ne permet de développer aucune compétence précise, du moins pas au sens général du management où la compétence est un savoir-agir précis et situationnel. La philosophie relève avant tout du rapport à la pensée et à l’action. C’est parce que rien ne va jamais de soi qu’une disposition d’être proprement philosophique peut émerger. De ce constat nait l’image du philosophe passant plus de temps à questionner qu’à répondre, à problématiser plutôt qu’à « solutionner ». La question de savoir s’il appartient aux philosophes d’apporter des réponses fermes aux questions qu’ils posent pourrait nous occuper longuement. Ici, je dirai simplement que ma position est celle d’un amateur de belles questions aux réponses nécessairement temporaires. Quoi qu’il en soit, retenons que le philosophe cultive l’incertitude là où l’entreprise a pour ambition, notamment via la logique des compétences, de la réduire au maximum. Pour Xavier Guchet, le philosophe est à l’image de Socrate : a-topos, littéralement « sans lieu », car sa pratique n’est censément assignée à aucune résidence précise. C’est ce qui justifie l’affirmation désormais célèbre de Canguilhem : « la philosophie est une réflexion pour qui toute matière étrangère est bonne, et nous dirions volontiers pour qui toute bonne matière est étrangère[4] ». Je complèterais cette idée d’atopie philosophique en parlant de d’altérité radicale du philosophe ; celle-ci étant comme un effet de celle-là. Le philosophe est cet autre dont on ne connait pas l’origine et qui interroge. Attention, toutefois, à ne pas analyser son altérité à l’aune d’autres notions telles que la différence ou la diversité. Un étranger, en tant qu’il vient d’ailleurs, est chez lui en quelque lieu alors que le philosophe, lui, ne vient de nulle part.

C’est, selon moi, cette altérité qui fonde la singularité du philosophe en général et qui le rend intéressant au double sens de valorisant et de inter-esse : entre les êtres, parmi eux. L’entreprise, comme toutes structures appartenant au domaine de l’action, n’échappe pas à cet intérêt. La philosophie, en ce qu’elle est puissance d’interpellation et de remise en question profonde, intéresse les actants individuels ou collectifs. Contrairement à la figure du consultant qui, malgré sa position d’externe-internalisé, vient du monde de l’entreprise, le philosophe est un exôtikós, un « du-dehors ». Faire appel à lui, c’est prendre le risque d’incorporer son altérité, ce qui n’est jamais de tout repos. Autrement dit, le philosophe est pure réflexivité.

En tant qu’il pratique la philosophie, le philosophe est donc in-compétent, extérieur au champ de la compétence ; mais, bien sûr, cela ne signifie aucunement qu’il soit incompétent en général. L’esprit d’analyse et de synthèse, les capacités d’écriture, l’art oratoire ou encore la pédagogie, voilà des compétences pouvant faciliter l’expression de la disposition d’être qu’est la philosophie, mais qui ne lui appartiennent pas en propre. En outre, il n’est bien sûr pas interdit au philosophe d’acquérir ou de perfectionner de nouvelles compétences comme n’importe qui.

L’altérité en actes : la recherche philosophique embarquée

Cela étant dit, de quelle transcription pratique cette altérité peut-elle faire l’objet afin d’intéresser concrètement l’entreprise ? Je répondrai à cette question en me limitant à ce que je connais par expérience, comme je le disais plus haut. Si la figure du sociologue ou de l’anthropologue embarqué en entreprise est désormais assez bien connue, il n’existe pas ou peu d’équivalent en philosophie. Pourtant, c’est surtout (uniquement ?) en tant que chercheur interne que le philosophe peut avoir un rôle clair, distinct et univoque au sein d’une organisation. La question est donc de savoir à quelles conditions celle-ci peut être un environnement de recherche favorable à l’activité philosophique tout en y trouvant son intérêt.

La question de la communication

Le premier débouché concret du travail de recherche philosophique en entreprise me semble lié à la vaste sphère de la communication, c’est-à-dire à la production de divers matériaux sémantiques (articles, vidéos, conférences etc.). Il faut cependant être aussi précis que vigilant en utilisant ce terme de communication, quittes à se montrer sévère. Le philosophe ne saurait communiquer au sens désormais bien ancré de « com’ » qui, je pense, relève d’une parole aux ordres, d’un discours toujours orienté en amont et qui ne -couvre pas en faisant, mais au contraire re-couvre en disant. La communication ainsi conçue et pratiquée voile plus qu’elle ne dévoile en jouant sur ce qu’on pourrait appeler « l’effet signifiant » (l’effet du mot) au détriment du signifié (le sens associé au mot). En d’autres termes, le mot y devient un « élément de langage » à caser, un incontournable langagier utilisé pour son pouvoir de suggestion ou sa consécration par l’air du temps, plus que pour un sens précis qu’on prendrait la peine d’évoquer. Le sort actuel des termes « éthique » et « humain » illustre bien cette idée. Face à cette conception incommunicative de la communication, le philosophe peut certainement proposer une alternative. Grâce à la disposition décrite plus haut, son objectif n’est pas de dire à tous prix, mais de tenter de dire légitimement. Attention, toutefois, à ne pas confondre légitimité et Vérité. Si le philosophe a longtemps été décrit comme celui qui recherche la Vérité, c’est précisément parce qu’il n’en est pas détenteur. Aujourd’hui, on ajoute volontiers que ça n’est et ne sera jamais le cas. Ainsi, dans le cadre présent, je définis, modestement la légitimité du dire par sa liberté et sa justification argumentée ouvrant la possibilité d’une compréhension et, avec elle, d’une discussion. Dans la communication conçue sur le mode du slogan, il n’y a rien à comprendre, précisément en ce qu’il n’y a rien à discuter (si ce n’est la vacuité du propos). A l’inverse, donner une fonction authentiquement communicationnelle à la philosophie, c’est jouer le jeu de la liberté d’expression, prendre le risque de la remise en question et s’ouvrir à l’incertitude de concepts qui orientent nos pratiques. Une communication philosophique peut ainsi se voir imposer un sujet, une thématique, mais jamais un contenu. Bien sûr, indépendance intellectuelle ne rime pas avec blanc-seing absolu. Par exemple, si la réflexion du philosophe donne naissance à une publication quelconque, il est évident que celui-ci ne doit pas révéler des éléments confidentiels auxquels il aurait eu accès. Toutefois, en dehors de ce genre de situations sensibles, je pense qu’il est nécessaire de défendre une conception radicalement libre de l’expression philosophique. Sans cette liberté, aucune pensée philosophique sérieuse ne peut se construire.

Mais en quoi cette communication est-elle valorisable par (et valorisante pour) l’entreprise ? Je n’irai pas par quatre chemins : la valorisation du travail philosophique demande, dans un premier temps, un effort d’abstraction considérable, car la philosophie ne se laisse pas appréhender sous l’angle de l’utilité « pratico-pratique ». Là où les firmes s’intéressent en priorité au comment faire, la philosophie, elle, se tourne vers le pourquoi. L’agir potentiel de son pratiquant découle avant tout d’un être : celui de la disposition atopique à questionner l’existant. Par atopique, j’entends que l’espace à partir duquel le philosophe questionne est celui de l’existence : il questionne à partir de sa seule inscription dans l’existence, c’est-à-dire à partir de nulle part. La philosophie pré-pare l’action en questionnant le monde. Agir, c’est donner une réponse à une question qu’on ne se pose pas forcément. La philosophie est là pour poser cette question et s’ouvrir aux alternatives. Son effet concret procède toujours d’un raisonnement préalable plus ou moins abstrait. L’introduire dans les « milieux d’action » (entreprise, politique, association etc.), c’est ouvrir un espace de communication permettant d’orienter l’action sur d’autres bases que les critères économiques, scientifiques et techniques.

On peut toutefois s’interroger sur le choix du terme de communication comme qualification première de l’activité philosophique en prise avec l’action. Certes, les productions habituelles du philosophe comme les articles, les ouvrages ou encore les conférences se laissent assez facilement associer à une forme de communication, mais c’est la dimension transformatrice du concept qui m’intéresse avant tout. C’est parce qu’elle appelle et justifie l’action en l’informant, en lui donnant du sens, que la communication est ici pertinente. Dès lors, comment passe-t-on de l’information de l’action à l’action elle-même ? Comment matérialiser ce que dit la philosophie ?

Philosophie et design

Ayant limité le périmètre de l’article à mon expérience, je répondrai à cette question en me concentrant sur l’activité de conception technique. Prenons d’emblée un exemple. On me demande souvent quel est l’impact concret de la philosophie sur la conception des robots. Je cite alors l’exemple du module « user empowerment » (encapacitation de l’utilisateur) développé par SPooN. Ce scénario d’usage intégré au robot lui permet d’expliciter son univers conceptuel (genèse, fonctionnement, apparence, rapport aux données) sur demande de l’utilisateur pour contrer l’opacité habituelle du design. La genèse de cette « mesure » remonte à l’écriture d’un article sur l’encapacitation (empowerment) des utilisateurs. En quelques mots, la réflexion soutient que la multiplication d’artefacts régissant notre quotidien, associée à la méconnaissance de leur fonctionnement sont un puissant vecteur d’aliénation et que la transparence des machines, sans être une panacée, est une des réponses possibles pour contrer, ou du moins réduire ce phénomène. Avec ce simple exemple, on voit comment on peut passer d’une idée et de sa communication, à sa transcription matérielle dans un artefact. C’est par cette transcription que la question des compétences devient pertinente ; car si la philosophie ne se laisse pas spécifier par de quelconques compétences, celles-ci deviennent incontournables lorsqu’il s’agit de matérialiser une idée dans un dispositif technique. C’est en tant qu’il souhaite appliquer ses idées pour orienter axiologiquement la conception que le philosophe doit être compétent ou entouré de personnes qui le sont. Pour cette raison, je crois beaucoup à la collaboration entre philosophes et designers pour concevoir des artefacts aux impacts sociétaux positifs. Comme l’écrit Stéphane Vial : « Le design est une discipline du projet philosophiquement engagée dans un idéal d’avenir meilleur et durable qui se donne pour but, selon la formule d’Alain Findeli, d’améliorer « l’habitabilité du monde[5] ». » On pourrait donner une définition quasi identique de la philosophie agissante : une discipline du projet noétiquement[6] puis axiologiquement[7] engagée dans un idéal d’avenir meilleur et durable qui se donne pour but d’améliorer l’habitabilité du monde. » Mais alors, pourquoi ne pas parler directement d’éthique ? On le peut, pourvu qu’on ne la réduise pas au simple résultat d’une action qui elle-même découlerait d’un cahier des charges aussi précis que réducteur. Derrière l’éthique au sens plein, il y a une philosophie, c’est-à-dire un questionnement dont l’origine n’est pas le comment, mais le pourquoi.

Conclusion

Occupé par la question de son débouché dans l’action, j’ai beaucoup insisté sur l’intérêt pour l’entreprise de faire appel à la philosophie. Mais qu’en est-il de la réciproque – en dehors du seul problème des financements, bien sûr – ? Comme je l’ai dit plus haut, il serait profondément délétère de chercher à rendre la philosophie nécessairement « productive ». La conception agissante de celle-ci ne se laisse pas appréhender en termes de production, mais d’être au monde. Tenter, par exemple, d’intervenir philosophiquement dans un processus de conception, c’est chercher à faire dériver son résultat de cet être au monde, lui-même issu d’un questionnement, d’une remise en question destinée à faire reposer l’action non pas sur le terrain glissant de l’évidence, mais sur celui du sens. Ainsi, pour celles et ceux qu’une pratique interventionniste de la philosophie pourrait intéresser, l’entreprise, ou toute autre structure tournée vers l’action, représente un terrain d’étude, d’expérimentation et d’ouverture in situ sur ce que Levinas appelait les « préoccupations de l’heure ».

Mais restons humbles dans notre conclusion et gardons-nous de confondre cette diversification possible des pratiques avec une innovation. Le concept d’innovation, tel que je le comprends, suppose une modification interne des pratiques en vue de leur remplacement progressif. Ici, il s’agit d’inventer de nouvelles pratiques philosophiques, sans aucune volonté de se substituer à l’existant. Comme toute expérimentation, le résultat n’est pas connu d’avance et l’on voit, bien sûr, poindre de grandes questions comme celle des modes acceptables d’intervention du philosophe dans l’entreprise (par exemple, comment imaginer le prolongement d’un dispositif tel que les CIFRE au sein des organisations ?) et de la préservation absolue de son indépendance intellectuelle. En la matière, les meilleures réponses se situent probablement dans un mouvement dialectique entre réflexion a priori et expérience.

Julien De Sanctis

[1] Mon raisonnement sera donc orienté vers la pratique philosophique en environnement technique, mais n’en restera pas moins, je pense, généralisable sur le fond.

[2] Pour l’un, comme pour l’autre, la rareté des financements pousse à cumuler doctorat et petits boulots. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les thèses en SHS s’étendent, parfois, bien au-delà de trois ans.

[3] Co-fondateur du Master Ethires à Paris 1 et aujourd’hui Professeur de philosophie des techniques à l’UTC.

[4] Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, PUF, 2013 [1966], p.7.

[5] Stéphane Vial, Le design, PUF, coll. Que sais-je ?, 2015 ,p.83-84

[6] La noèse désigne l’acte de penser.

[7] L’axiologie est l’étude des valeurs. D’un point de vue pragmatique, les valeurs peuvent être définies comme des « guides » pour l’action, ce qui incite à agir d’une certaine façon tout en justifiant l’agir en question.

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