Dès que j’entends parler d’une nouvelle révolution technologique, je me dis : « j’ai déjà vu ça quelque part ».
Pour ça, la plupart d’entre vous vont plus ou moins consciemment puiser dans des références cinématographiques ou littéraires, voire historiques. De De Vinci à Star Wars, en passant par Jules Vernes, Mad Max ou Blade Runner, on s’y retrouve en termes d’anticipation… Et pourtant, on verra ici que c’est d’une toute autre littérature qu’on peut tirer toutes ces mêmes perles technologiques :
On parle évidemment du Neuvième Art.
Sans être exhaustif, voyons quelques exemples croustillants de héros de bandes dessinées précurseurs chez qui on a vu naître les fondations de notre quotidien high-tech gadgétisé.
Les petits hommes, précurseurs sur les dangers de l’impression 3D (1979) :
Impression 3D en libre service
En version simple, une imprimante 3D n’est ni plus ni moins qu’une imprimante classique qui imprime des objets en 3D par superposition de très fines couches (de plastique par exemple), les unes sur les autres. Vous pouvez déjà vous en procurer une pour un peu moins de 1000 euros, mais on vous suggérera d’attendre un peu que ce soit plus au point pour le commun des mortels.
Assez logiquement, des gens mal intentionnés ont vite compris l’intérêt de cette technologie pour mettre en place des business un peu douteux. En début d’année un Japonais est arrêté pour avoir créé chez lui une arme en 3 dimensions. On a également vu YouTube fleurir de vidéos montrant des prototypes d’armes en plastique en marche.
Rien d’étonnant pour Pierre Seron et Mittéï qui avaient anticipé cet écueil il y a maintenant 35 dans la série des Petits Hommes, Tome 10 : « Le peuple des abysses »:
Loin d’être la seule anticipation des Petits Hommes, l’impression 3D illégale et sous forme de borne en libre service dans la rue n’en reste pas moins un joli coup de boule de cristal dans l’univers de l’innovation.
Profitons en que dans ce même épisode, nos héros sont accueillis par des hologrammes qui n’ont rien à envier aux gadgets d’Orly pour faire embarquer les passagers.
A vrai dire, les hologrammes des Petits Hommes sont même générés par les pensées de leurs propriétaires. De quoi donner des idées sympas pour le futur.
Le Scrameustache, un visionnaire multilingue (1993)
Skype est has-been
J’admets volontiers que le Scrameustache est un héros dont se souviendront les initiés seulement, et quelques enfants des années 80. En bref, le Scrameustache est une bestiole de l’espace, mélange entre singe, homme et rongeur, doté d’une intelligence supérieure. Une sorte de mini Yoda poilu pour enfants. La série nous emmène dans des tas d’univers, des vaisseaux intergalactiques et des légendes interplanétaires.
Mais voilà, l’univers fourmille de langues et de dialectes que l’université n’enseigne toujours pas. Heureusement, dans l’épisode 24 « Le cristal des Atlantes », Gos (scénariste et dessinateur) a la bonne idée de mettre au point cette couronne connectée pourvue d’un traducteur automatique. Doux mélange entre la traduction vocale instantanée à venir sur Skype et son homologue chez Google, directement dans les Google Glass.
Reste à savoir qui intentera le premier procès à qui pour les droits sur cette invention du Scrameustache datant de 1993.
Offrons-nous également un peu d’anticipation bonus en rappelant que le vaisseau du Scrameustache est capable d’apprendre le langage humain à un chien.
Si la série continue à avoir raison, la voiture volante est pour très bientôt.
Mickey, le roi du parcours client (1994)
Un saut en 2222
Restons dans les années 1990, un continent plus loin cette fois-ci. Pas besoin de présenter Mickey, en revanche j’encourage les fans à se replonger dans toutes ces histoires « pour enfants » afin d’y voir une double lecture de l’histoire des États-Unis, voire même du monde (il y a des bouquins très sérieux à ce sujet!).
Mickey, c’est avant tout l’Oncle Sam, la souris de la société de consommation et un Marketeur hors pair. C’est dans le Mickey parade n°178 de septembre 1994 que j’ai remis la main sur cette aventure « Mickey et le futur imparfait » dont je vais vous parler.
Suite à un bug de machine à voyager dans le temps, Mickey et Dingo se retrouvent propulsés dans un futur hypothétique où les humains sont assistés par des robots. Mickey rencontre son descendant qui lui présente alors les dernières innovations un peu « trendy » en 2222!
Voyons un peu :
On notera dans ce court passage la proximité avec la commande en ligne, sans déplacement et sans livreur et le prélèvement automatique en prime. Bref, le rêve marketing poussé à son paroxysme, aucune douleur dans l’acte d’achat et un assouvissement instantané de tous vos désirs (enfin dans la limite de ce qui passe par un écran).
Certes, on est ici encore assez loin de notre quotidien de 2014. Revenons sur terre avec une innovation plus classique et standardisée chez nous, la vidéo conférence.
La visio conférence en 2222
Le petit plus : la commande vocale, on est quand même en 2222…
La réalité utltra-immersive, divertissement et contrôle (1956 & 1996)
…de Black & Mortimer à Kid Paddle
Si vous vivez sur la planète terre, vous savez que les géants du Web et de la high-tech rachètent en permanence tout un tas de petites et grosses entreprises dans des domaines voisins ou cousins des leurs. A titre d’exemple, Facebook a récemment mis la patte sur Oculus VR et travaille à la réalisation d’un casque de « réalité virtuelle » et à la mise en place d’une plate-forme de réalité immersive.
Petit Flashback en 1996 cette fois-ci (ça fait quand même presque 20 ans!) avec Kid Paddle, le héros Geek de Midam. A l’époque encore discret dans le magazine de Spirou, il est devenu une icône : le gosse passionné de jeux vidéos et de monstres. En 1996 donc, Kid Paddle est déjà testeur officiel pour virtuel vision, une société qui sévit dans la réalité virtuelle.
Si on remonte un peu plus loin avec Black et Mortimer en 1956, dans « La marque jaune » d’Edgar P. Jacobs, on retrouvera un début de quelque chose d’un peu similaire.
**Ceux qui n’auraient pas encore lu cette bande dessinée sont invités à passer leur chemin au risque de se faire totalement spoiler la chute de ce (très) grand classique du neuvième art.**
En somme, si la réalité virtuelle n’à rien de très moderne, elle est même un peu vieillotte. Peut mieux faire.
Picsou, du business avec HAL et Siri (1993)
Je voulais finir ce post sur une note carrément futuriste avec cette aventure de Donald « La guerre des cerveaux », à retrouver dans le Super Picsou Géant n°54 publié en Juin 1993. On prête souvent les innovations des canards Disney à Géo Trouvetou qui dès 1957 avait devancé Georges Lucas en inventant un robot au moins aussi performant que C-3PO.
Mais c’est d’un ordinateur bien plus complexe et réaliste dont on parlera ici. Picsou le présente comme la « Huitième merveille du monde », immense et immonde ordinateur géant qui n’est pas sans rappeler HAL dans l’Odyssée de l’Espace ou encore le « super-ordinateur Pensées Profondes » de Douglas Adams…
« Input » est évidemment capable de répondre à des questions aussi variées que « Quelle est l’altitude du mont sucette? » ou encore « De quelle quantité d’eau ont exactement besoin mes bégonias? ». Bref, un vrai assistant au quotidien pour avancer sereinement dans la vie. S’il tenait dans une main on voudrait presque dessiner une pomme dessus et lui demander la météo pour demain (à San Francisco).
Ne nous réjouissons pas trop vite. Science-fiction oblige : Input finit par mettre en place une armée de robots à son service, casse les prix dans la grande distribution et va même jusqu’à traîner Picsou devant les tribunaux!
Je ne vous dirai pas la fin de l’histoire, mais sachez que Riri, Fifi et Loulou n’ont rien à envier à Will Smith dans la résolution des paradoxes d’Asimov.
En fait, tout existait déjà
Il reste bien sûr pléthore d’inventions à aller chercher dans l’univers de la bande dessinée, chez Bob de Groot avec la série Léonard, Franquin, Bilal, ou encore Roger Leloup avec Yoko Tsuno… Ce serait extrêmement présomptueux de vouloir n’en donner qu’un aperçu global dans un seul article.
Pour ce qui nous concerne ici, je conclurai juste en invitant les uns et les autres à lire ou relire des bandes dessinées et à se replonger chez ces auteurs qui restent un source d’inspiration inépuisable pour tous les innovateurs.
Rien ne se crée, tout se transforme… Tout existait déjà… Merci pour cet article aussi rafraîchissant qu’étonnant (sacré enquête ! fallait le retrouver, le Picsou 54 de 1993 ;)) Sympathique par ailleurs d’attribuer (reconnaître !) une noblesse supplémentaire au 9e art : en plus de faire rêver, d’interloquer voire de faire penser, elle permet de recadrer les roadmaps des sociétés innovantes ! 😉
Aaaah les petits hommes ! J’avais acheté tous les tomes quand j’étais encore un ado des années 80…
C’est vrai qu’il n’y a pas de raisons pour que les cerveaux des scénaristes de Bandes dessinées soient moins fertiles que ceux des romanciers ou des scénaristes d’Hollywood !