Comment prédire l’avenir sans jamais se tromper : un petit guide à l’usage des Padawans futorologues

« La prédiction est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ». On connaît cette phrase même si personne ne sait plus bien à qui l’attribuer – Mark Twain, Groucho Marx, Winston Churchill, Niels Bohr ou Pierre Dac ou quelqu’un d’autre ? Si elle reste indéniablement drôle, en revanche, elle est devenue inopérante, comme frappée d’obsolescence. Car la prédiction n’est plus un art difficile, c’est devenu une activité à la portée de tous. Il existe d’ailleurs une foultitude de gens qui pratique cet art sous des appellations variées : tendanceur, R&D, évangéliste, planneur, futurologue, prévisionniste, prospectiviste… (sans compter sorcier, voyant, oracle, marabout, prophète ou pronostiqueur…).

Un texte de Paul Vacca, (@paul_vaccaauteur, essayiste et consultant. Il intervenant régulièrement à l’Institut Français de la Mode de Paris sur des sujets culturels et publie chaque semaine une tribune pour le magazine belge Trends-Tendances. Dernier ouvrage paru : « Délivrez-vous ! Les promesses du livres à l’ère numérique » (Editions de l’Observatoire, 2018)

C’est que tout le monde s’intéresse au futur. Le présent pour l’entreprise, c’est déjà du passé. Auparavant le temps de l’action, c’était le présent ; avec la nouvelle économie, les actifs de l’entreprise se trouvent dans le futur désormais. Les investisseurs ne placent plus leurs billes sur un bilan ni sur le présent, mais sur la foi en l’avenir de l’entreprise. Par définition une start-up est valorisée sur son potentiel, c’est-à-dire sur son futur.

Cela vaut également pour les valorisations des géants comme Uber ou Netflix : leurs bilans plombés par leurs investissements deviennent finalement les gages de leur rentabilité future. Et puis, il est normal que les appétits s’aiguisent sur le marché de la prévision. Quand on a vu les plus grands instituts de sondages et les géants du big data donner Hillary Cinton gagnante à une majorité écrasante, pronostiquer la défaite du Brexit dans les urnes britanniques ou alors les grands experts économiques prédire que 2008 serait une année calme sur le plan financier, on se dit – peut-être à juste titre – qu’on ne peut pas faire pire que les experts de la prévision.

Alors si vous aussi vous voulez devenir un pro du futur voici quelques petits trucs glanés chez les prévisionnistes professionnels ou amateurs qui pourront faire de vous un futurologue crédible et sans risque.

Avant toute chose, débutez par une précaution oratoire en déclarant que personne ne connaît le futur. Pas même Dieu et surtout pas les experts. C’est ce que l’on appelle en rhétorique la captatio benevolentiæ, la fameuse recherche de la bienveillance du public, qui vous attirera les rires de l’audience. Et surtout sa confiance en vous démarquant des « experts en expertise » : pour vendre son expertise aujourd’hui, rien n’est pire que de passer pour un expert.

Ensuite – même si c’est un jeu un peu visible – n’hésitez pas à multiplier les scénarios concernant le futur jusqu’à être sûr de couvrir le spectre entier du possible. C’est le meilleur moyen d’avoir toujours raison en fin de compte. Offrez une belle gamme chromatique du plus noir au plus rose afin que chacun retrouve ses billes dans le public.

Et enfin, et surtout, le plus important pour être un futurologue crédible c’est de ne pas décevoir son public. Car on a bien compris que l’on ne vend pas à proprement parler la réalisation d’un futur, mais le récit d’un futur. Et si tout amateur de récit veut plus d’action, l’amateur de récit du futur veut plus de changement, plus de transformation, plus de révolution. Alors sur un créneau aussi encombré, n’hésitez pas à en rajouter. Comme pour les blockbusters vous avez toute une palette d’effets spéciaux – des buzz-words – à votre disposition pour dessiner un futur bien disruptif : big data, robots, deep-learning, neurosciences, blockchain… Donnez-en au public pour son argent.

Et la crédibilité dans tout ça ? Si vous craignez absolument d’être démenti par les faits vous pouvez toujours contourner l’obstacle en projetant votre auditoire très loin dans l’avenir. En 2050 qui sera encore là pour relever que vous avez eu tort en 2018 ? Mais ne vous donnez pas la peine d’aller aussi loin. Optez pour le futur plus immédiat, c’est nettement plus spectaculaire et tout aussi sûr. En raison de l’accélération du temps médiatique, un tweet chassant l’autre, même une prévision à court terme a peu de chance de se voir infirmée par les faits ensevelie sous de nouveaux buzzwords. Qui se souvient encore qu’il y a un an on nous prédisait qu’on aurait tous lâché nos smartphones pour céder au vocal ?

Soyez sans crainte, prophétisez sans risque ; il ne restera rien de vos prévisions. Car contrairement au passé qui nous poursuit sans cesse, le futur lui s’efface à mesure qu’on avance.

Image en tête d’article : vue d’artiste futuriste | James Vaughan via Flickr CC License by

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ALARD
ALARD
6 années il y a

Bonjour, on le sait « il n’y a pas de question bête »… alors je me lance: pour moi il y a vingt ans une start up était une société conçue pour faire de l’argent très rapidement et disparaître… gros problème pour les retraites… si vous résidez en France… Mais oui ils se font « racheter » sans doute???