« Starship » : au-delà des images

Hier, le premier étage du Starship a été récupéré avec succès. Des images impressionnantes qui doivent aussi nous amener à interroger une de ses raisons d’être : le déploiement de dizaines de milliers de satellites Starlink.

Donc, petit écart vers le succès de Starlink dans certains territoires isolés, et son impact sur les communautés locales.

Dans ce papier « Satellite dependency in Nunavut: a barrier to the territory’s political realization » qui est aussi une étude de cas sur le Nunavut (territoire du nord du Canada), la chercheuse Célestine Rabouam ausculte la manière avec laquelle s’y sont structurés les réseaux de télécommunication dans le temps, et comment les méga-constellations ont fini par se positionner dans leurs failles (prix, qualité de service).

85 % des habitants du Nunavut sont des Inuits, et 68 % d’entre eux seulement sont connectés à internet, via un satellite géostationnaire et – pour le dire vite – un monopole de NorthwesTel. La connexion est chère et souvent encombrée.

Quant aux projets de câbles, ils traînent. Manque de financements publics, difficulté avec le pergélisol qui rend le terrain instable, mauvaise communication entre les entreprises et les populations locales… alors même que les infrastructures de télécommunication sont décrites comme un vecteur de réconciliation entre le Canada et les populations natives.

Starlink et One web arrivent tout naturellement dans cet environnement, et sont bien accueillis par la population. Ça fonctionne, c’est moins cher. Cependant, plusieurs critiques viennent ternir cette évolution :

➡ L’absence de participation de la société à l’économie locale, à la réconciliation entre le Canada et ses populations. Pas de présence physique sur le territoire, ni d’emplois. Pas non plus d’accès à un service client dédié en cas de problème.

➡ Mais surtout, en prenant les parts de marché de NorthwesTel, Starlink accentue la dépendance des communautés à une infrastructure américaine, et éloigne la possibilité d’envisager une reprise en main locale (et souveraine) des réseaux de télécommunication par les habitants, comme ils le souhaitent depuis longtemps.

De quoi aussi, confirmer les affirmations de Steve Song, qui dans un article publié il y a un an « Starlink and Inequality », avançait des cas similaires au Rwanda, au Mozambique, où Starlink connecte parfois des écoles, mais créée peu de valeur localement, fait reculer la souveraineté et l’inclusivité, ne génère pas d’emploi, etc. Il y allait même assez fort : « Starlink (…) is the ultimate extractive technology. It is technological colonialism at its worst. »

Starlink performe aux endroits où la puissance publique est défaillante, et réduit plus encore son rôle, tout en augmentant l’emprise d’une infrastructure États-Unienne, où part le cash…

Il s’agira donc de ne pas s’arrêter aux belles images.

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