« Nucléaire ? Non merci ! ». Je vous parle d’un temps où ce slogan, flanqué d’un soleil rouge aux yeux fermés sur fond jaune, se déclinait en autant de badges et de stickers collés à l’arrière des bagnoles. Le mouvement anti-nucléaire était à son apogée, on rêvait tout haut d’une alternative à l’atome : le panneau solaire. On notera la tonalité du message depuis tombé en désuétude, une formule de politesse. Cinquante ans plus tard, tout a basculé. Des géants de la tech promettent de remplacer les travailleurs par des intelligences artificielles qui, en 1975, auraient semblé tout droit sorties d’un film de science-fiction. Google annonce avoir doublé sa consommation énergétique entre 2020 et 2024 – et plus personne ne s’en étonne. Le nucléaire devient la planche de salut d’une industrie vorace en électricité, dopée aux data centers. De la course à l’atome à la course à l’IA, il s’est passé un éclair et quelques renversements : on craint désormais plus le « boom » algorithmique que l’explosion d’un réacteur. L’un et l’autre n’en verrouillent pas moins une énième « dépendance au sentier » ou comme on dit souvent, l’innovation c’est comme le dentifrice, une fois sorti du tube on peine à l’y remettre.
Une chronique à lire dans le magazine Fracas (n° 5), en kiosque !