États Généraux de la Révolution Numérique : le PCF à l’assaut du monde de demain

EGNR-Etats généraux de la révolution numérique

Avaient lieu ce week-end les états généraux de la révolution numérique avec en sous-titre « entre aliénation et émancipation ». Ce cycle de débat organisé par le Parti Communiste s’est étalé du 12 février au 19 mars 2016. Au programme les grands thèmes relatifs au numérique : digitalisation, emploi, nouveaux modèles économiques collaboratifs, lanceurs d’alertes, démocratie, enseignement, smart-cities, etc.

A première vue, le PCF ne semble pas être le parti le plus à la page en ce qui concerne la révolution numérique. C’est du moins ce qu’on pourrait penser si l’on se fiait à l’âge moyen de ses cadres. Mais le numérique n’est pas qu’affaire de jeunes, qui au passage étaient nombreux parmi les militants et les visiteurs. C’est avec cet état d’esprit que je suis allé aux états généraux, sans a priori et en me fiant à la seule qualité des invités (universitaires, intellectuels, essayistes, journalistes, élus, inventeurs…) tels que Bernard Stiegler, Evgeny Morozov ou encore Julian Assange.

Je dois dire que je n’ai pas été déçu. Le siège du Parti (l’espace Niemeyer) qui héberge la plupart des conférences est un endroit sur lequel le PCF peut clairement capitaliser (sans mauvais jeu de mots). J’y ai suivi une conférence sobrement intitulée « Automatisation, robotisation, Big Data : la fin du salariat ? », menée par Véronique Sandoval, responsable nationale du PCF « travail et emploi » et l’économiste Yann Moulier-Boutang, auteur du remarquable ouvrage L’abeille et l’économiste, que je conseille à tous.

Voici mes quelques notes prises en séance, et des liens pour ceux qui voudront aller plus loin :

La nouvelle économie numérique appelle à la création d’un « revenu de pollinisation » 

Après avoir tracé les contours des enjeux relatifs au Big Data (traitement massif de données) et à l’automatisation, Yann Moulier-Boutang a pu rappeler que le « capitalisme de plateforme », c’est-à-dire celui des grandes entreprises américaines nées du web (Google, Amazon, Facebook, Apple, Twitter) est avant tout une manière de capter et d’exploiter le réseau de socialisation humain qui se développe à la faveur du numérique (c’est ce qu’on appelle le Digital Labor).

Ce réseau crée des externalités positives (nos recherches sur Google, nos historiques d’achat) dont la valeur est colossale. Elle permet à ces entreprises d’atteindre des niveaux de rentabilité écrasants à l’heure où l’économie numérique semble sonner le glas du salariat (en témoigne le mouvement d’« uberisation », c’est-à-dire de désintermédiation des acteurs traditionnels du marché au profit de grandes plateformes numériques). Cela étant dit, le recul du salariat en France mérite d’être relativisé à l’aune d’études chiffrées…

intervenants-EGRN

A ce titre, Yann Moulier Boutang propose de protéger l’activité pollinisatrice en posant l’idée d’un « revenu de pollinisation ». Pour justifier ce revenu, il explique qu’à l’instar des abeilles, les humains créent plus de valeur en échangeant qu’en produisant. En effet, si la quantité de miel produite annuellement par les abeilles se compte en milliards de dollars, les revenus directs et indirects générés par leur activité pollinisatrice se comptent en centaines de milliards de dollars.

Rémunérer cette activité serait donc la seule voie pour pallier les problèmes issus du déclin du salariat. En guise de financement, on parle de taxer les transactions financières de 5 à 10%.

Quelques pistes du Parti Communiste face à la révolution digitale 

Naturellement, le Parti Communiste construit une ligne de conduite pour relever le défi numérique et l’intégrer dans une réflexion politique plus globale. Véronique Sandoval a ainsi pu relever une série de points essentiels pour penser l’émancipation humaine à l’heure du tout digital :

  • Lancer un débat démocratique à l’échelle nationale sur le thème du numérique, comprendre et anticiper les besoins professionnels d’une économie numérique.
  • Partager le travail, la productivité croissante amène historiquement à réduire le travail. Le PCF propose de passer à la semaine de 32 heures, et au temps partiel de 25 heures minimum.
  • Sécuriser les parcours professionnels pour éviter les grands mouvements de précarisation. Créer un service public de l’emploi et de la formation afin de passer de l’un à l’autre en toute sécurité.
  • Penser sérieusement la question du salaire à vie, ou du salaire universel.
  • Mettre en place des plateformes coopératives publiques dans le but de favoriser une économie de la coopération. En parallèle, développer des Fab Labs et favoriser l’usage des logiciels libres.

Je n’ai naturellement pas vocation à transformer Mais où va le web en tribune pour un parti ou pour un autre, mais force est de reconnaître que les bonnes idées transcendent (parfois) les organisations politiques. Loin des faux airs scientistes de la Silicon Valley ou de certaines start-ups en herbe pour qui le numérique est avant tout un business, le Parti Communiste a le mérite de poser le débat de façon honnête et militante. La technique est une question politique, et mieux vaut ne pas s’en cacher.

Pour en savoir plus sur le salaire à vie, rendez-vous chez Bernard Friot

Pour creuser la question de la valeur captée par les plateformes, lisez ce billet

Pour lire Yann Moulier-Boutang, rendez-vous chez leslibraires.fr

Pour retrouver le programme des états généraux de la révolution numérique, rendez-vous sur cette page

Siege-PCF

Photo prise à au siège du PCF suite à la conférence

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