On n’aura jamais autant parlé de réalité virtuelle. Après les quelques ratés des années 90, elle a de nouveau le vent en poupe. Et pour cause, un simple casque en carton vous y transporte moyennant quelques dollars.
De cette boîte de Pandore virtuelle, s’est échappée Okio Studio, une petite société française qui s’est offert une place de choix sur Arte avec son film I Philip. I Philip est une plongée à 360° dans l’univers tourmenté de Philip K. Dick, auteur de science-fiction prolifique dont il est beaucoup questions ces temps-ci.
Je me suis rendu à l’avant-première du film à la Galerie Joseph pour pouvoir un instant enfiler un casque et m’immerger dans les souvenirs en silicium du grand manitou de la science-fiction.
Une bonne occasion de me remémorer les sensations étranges, voire déstabilisantes, que produit parfois la réalité virtuelle : on explore, on tourne la tête, comme si le monde était un cocon, une sphère qui vous entoure de ses angoissants pixels. En somme, la réalité virtuelle revient à porter sur le nez une mini salle de projection qui, aplatie en deux dimensions donne quelque chose comme ça :
Entrez dans I Philip en cliquant sur Play (3D aplatie)
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Quoi qu’il en soit, le court-métrage d’Arte est un exercice de style. Qu’on apprécie ou non l’expérience, on a l’indéniable sensation d’être transporté dans un univers futuriste. Entre deux capteurs gyroscopiques, j’ai pu recroiser le producteur d’I Philip, Antoine Cayrol, avec qui j’avais déjà pu discuter réalité virtuelle au Café Numérique Paris il y a quelques mois. Il m’a parlé un peu de son film :
Mais où va le web Bonjour Antoine, peux-tu m’expliquer comment on réalise un film en réalité virtuelle ?
Antoine Cayrol [Okio Studio] Depuis la réalisation jusqu’à la post-production il faut tout penser à 360°. On commence par écrire un scénario à 360°, et puisqu’en réalité virtuelle on peut regarder où l’on veut, le travail du scénariste et du réalisateur est de faire en sorte qu’on regarde où eux, veulent qu’on regarde ! C’est tout un travail de scénographie, de son spatialisé (pris avec des capteurs ambisoniques). Puis il faut filmer, il y a plusieurs méthodes pour cela, par exemple en filmant toutes les scènes d’un coup. Pour I Philip, on a fait le choix de filmer trois fois du même point de vue, puis de superposer les images, chaque scène est filmée selon un angle précis.
Une jeune femme fait l’expérience de I Philip à 360°
février 2016, Galerie Joseph, Paris
Vous faites un joli clin d’oeil à Philip K. Dick, doit-on comprendre que la réalité virtuelle nous réserve un futur catastrophe comme il l’aurait imaginé ? Et d’ailleurs, voir quelqu’un vivre une expérience en réalité virtuelle est assez déroutant, faut-il en avoir peur ?
Mon associé et moi, on est fans de K. Dick depuis bien longtemps, on a toujours voulu raconter cette histoire ! On a montré tout ça à Arte, ils avaient un cycle Philip K. Dick qui arrivait dans 18 mois, un hasard total. On s’y inscrivait parfaitement. Quant au futur, la réalité virtuelle ne présente pas plus de risque que n’importe quelle autre technologie, comme à chaque fois quand on parle d’innovation, il faut faire attention. On ne met pas un iPad dans les mains d’un enfant de six ans.
Un jeune homme dans I Philip,
février 2016, Galerie Joseph, Paris
A côté de ça, on a vu récemment une femme porter un casque de réalité virtuelle lors d’une opération chirurgicale consciente. Il y a donc aussi des usages inattendus qui envoient des signaux clairement positifs. [On se rappelle tous avoir écouté de la musique en se faisant opérer des dents de sagesse, pourquoi ne pas aller plus loin avec la réalité virtuelle ?].
On entend souvent dire que les deux principaux marchés pour la réalité virtuelle sont le jeu vidéo… et le porno. Penses-tu qu’il reste de la place pour d’autres usages ?
De mémoire, on parle d’un marché évalué à 80 milliards de dollars, une bonne moitié dans le jeu vidéo, et c’est vrai, une autre partie dans le porno. Mais il en reste aussi pour le divertissement et l’industrie du film, on ne s’arrêtera jamais de raconter des histoires audiovisuelles.
On sait que les gens aiment interagir et à ce titre, ça n’est pas choquant que le marché du jeu vidéo soit le plus gros, mais il restera toujours des un place pour ceux qui auront envie de regarder des films, tout simplement. Ces films vont évoluer, on y ajoutera la parallaxe, on ira de plus en plus loin en réalité virtuelle. Il y a de quoi faire.
Vous travaillez avec Arte, France Télévision, on dirait que ça marche plutôt bien. Quelles sont les prochaines étapes ?
Dans l’immédiat, on travaille à la sortie de notre application mobile Okio. En parallèle, on prévoit déjà la sortie de notre prochain film Altération, qui parlera de rêve et d’intelligence artificielle.
Stay tuned !
La bande-annonce de I Philip
Panorama de l’avant première, à Paris
I Philip, By Okio Studio
I Philip a été écrit par Pierre Zandrowicz et Rémi Giordano. Réalisé par Pierre Zandrowicz. Produit par Antoine Cayrol. Une production Okio-Studio et Arte Creative.
Pour aller plus loin, installez l’application Arte 360° téléchargeable sur les stores.