Si vous êtes tombé(e) ici c’est sans doute que vous passez un certain temps à flâner en ligne ou bien à vous documenter sur tout un tas de sujets des plus complexes aux plus futiles. Bien entendu, vous n’avez de temps à perdre dans des lectures de mauvaise qualité. Vous aurez sans doute remarqué à quel point le rédactionnel web est bien structuré et standardisé dans des formats faciles, rapides, mobiles, clairs et concis.
Aussi, si vous écrivez ou souhaitez écrire, je vais vous donner une série de petits conseils à la mode pour tout bien faire comme il faut. Vous savez, il paraît qu’écrire c’est même un métier pour certaines personnes.
Alors comment faire semblant d’être intelligent sur internet? En guise de réponse, voici 5 bonnes pratiques pour devenir un cador en rédaction de contenu web
1) Fixez-vous un objectif
Tout bon écrivain a un objectif, c’est bien connu. Assumez votre égocentrisme ou votre cupidité. Si vous n’avez pas défini un objectif clair et même chiffré, vous n’êtes rien. Partez donc du principe que ce que vous écrivez sert quelque chose de plus grand que vous, par exemple : une marque, votre réputation ou bien un produit quelconque. En somme, n’écrivez jamais pour le plaisir ou pour l’art, on vous reprochera de vouloir vous la jouer à la Balzac en essayant d’être « cool », l’amour des lettres n’a rien à faire dans la littérature web actuelle. Être « cool » est totalement prohibé depuis 2008.
Afin de mesurer vos objectifs, WordPress, Google et les autres vous fourniront tout un tas de petits outils pratiques pour contempler vos courbes de popularité, taux de rebonds et taux de transformations. Si les courbes montent, c’est bien. Sinon c’est que vous êtes encore un peu mauvais.
Fait amusant: vous pouvez aussi vous mettre à écrire à propos des outils de mesure que vous utilisez, vous pourrez ainsi auto-entretenir votre e-réputation en expliquant comment vous vous y prenez. Génial, non?
2) Faites 5 paragraphes
L’écriture, c’est comme l’ergonomie web, plus de 3 étapes et vous êtes à la ramasse. Sachez que votre lecteur est soit dans le métro, soit au travail prêt à fermer son navigateur quand son boss arrivera par derrière. Personne n’a le temps de se lancer dans un article de fond, privilégiez donc les formats lisibles et sans surprises. Pour ça, voici quelques petites astuces :
- Faites 5 paragraphes (ou 3, ou 10, peu importe) mais annoncez-les d’entrée de jeu dans le titre de votre article. Ainsi, votre lecteur pourra jauger du temps dont il aura besoin pour se divertir chez vous. Si vous êtes vraiment fortiche, chronométrez vous en train de lire votre article et informez de votre résultat en début d’article (3 minutes de lecture).
- Reprenez les punchlines standards qui marchent en ce moment. Je vous en propose quelques-unes : « Les 10 trucs à savoir avant de partir en vacances », « Les 3 news que vous avez ratées cet été », « 5 raisons de soutenir Edward Snowden », « Les 6 trucs que vous allez adorer si vous êtes un homme / une femme / un jeune / une pizza », etc. Plus c’est bateau, mieux ça marche.
- Faites participer vos lecteurs, l’intelligence collective est à la mode. Vous pouvez construire des quizz sympas, faire gagner des Goodies en plastique made in china ou même écouler votre stock de clés USB, ça s’appelle la fidélisation. C’est super important la fidélisation, c’est ce qui fait qu’on revient au magasin, enfin on se comprend.
En mettant en pratique ces différentes méthodes, vos visiteurs reviendront vous voir et ce, même si vous écrivez n’importe quoi. D’ailleurs je vous encourage vivement à écrire n’importe quoi. Enfin, vous pourrez mettre en place des call-to-action, c’est à dire des petits formulaires de contact pour permettre à vos lecteurs de recevoir en temps réel et de leur plein gré vos histoires et vos Goodies en plastique.
3) Utilisez le novlangue local
S’il y a bien une règle d’or dans le monde de la rédaction web, c’est le conformisme. A aucun moment, et j’insiste bien là dessus, vous ne devrez prendre parti pour une cause, défendre une vraie idée, ou encore opter pour une position claire dans un débat tendu. N’oubliez jamais que vous êtes sur internet, à un clic du Unfollow, pas beaucoup plus du désabonnement-à-la-Newsletter et du stop SMS. Soit un début de mort sociale. Bref, n’entrez dans aucune controverse qui pourrait nuire à votre réputation ou entacher votre « compte pro » car vous serez probablement lu par des gens qui ont du pouvoir sur vous. Prudence.
En revanche, ne lésinez pas sur les lapalissades, commentez abondamment ce qui l’est déjà, pensez à rester « dans le flow », dans l’actualité. Faites rêver votre lectorat, parlez Big Data, économie collaborative, vêtements pour bébé ou voitures électriques.
Attention, au risque de paraître un peu rebelle, vous pouvez vous autoriser quelques écarts maîtrisés de temps en temps : vous pouvez par exemple critiquer le gouvernement, mais pas trop, et surtout arrangez-vous pour le faire quand tout le monde est d’accord avec vous (ça ne devrait pas être trop difficile).
4) Écrivez « pour le web »
C’est sans doute la partie la plus longue, mais la plus simple. Le web regorge de petits conseils sincères pour vous aider à avoir l’air visuellement intelligent. Vous devez écrire pour des appareils, pas pour des humains, et comme disait Victor Hugo : « Le contenant, c’est le contenu ».
Pour faire simple, voici un résumé de ce que vous devez absolument faire :
– Soyez concis : pas plus d’une idée par paragraphe. Évitez d’écrire plus de 4000 mots ou vous dépasserez le trajet de métro moyen (autrement dit vos lecteurs ne liront pas la fin de votre article).
– Soyez clair : écrivez pour votre public cible. Si votre public est débile, écrivez pour les débiles.
– Soyez accrocheur : trouvez des titres sympas et essayez de les tourner sous forme de questions, les gens aiment qu’on s’intéresse à eux.
– Mettez des images : les gens n’achètent pas des smartphones à 600 euros pour lire en noir et blanc, pensez-y.
– Faites des citations : dans vos articles ou sur les réseaux sociaux, n’hésitez pas à citer des auteurs, philosophes, écrivains… Même si vous ne les avez pas lus. D’ailleurs, si vous les aviez lu vous vous rendriez peut-être compte qu’ils n’ont rien à faire dans votre article. Si vous ne vous souvenez plus de l’auteur d’une citation que vous aimez, prêtez-la à Steve Jobs ou Victor Hugo, on n’y verra que du feu.
5) Servez vous des influenceurs
Tout le monde le sait, les gens connus ont toujours raison. Les influenceurs sont un levier pour faire grimper votre audience et amplifier vos partages.
Très souvent, les influenceurs sont des gens connus, experts, journalistes, blogueurs ou stars des petits écrans. A vous de les dénicher sur internet et de leur faire la cour. Dans l’ensemble, ils sont suivis et relayés par tout un tas de petits parasites, repérez leurs courbettes et vous trouverez les gens importants, ceux qui pèsent.
Notez que sur internet, mieux vaut être beaucoup vu et beaucoup lu par une communauté d’imbéciles que reconnu par une minorité de gens intelligents. A moins que ce soit votre objectif principal, mais dans ce cas vous n’avez vraiment rien compris au web.
Voilà
Si vous faites tout ça, c’est déjà pas mal. N’oubliez pas de remercier vos lecteurs pour leurs partages, citations et commentaires. Restez positifs en tout temps et ouvert au dialogue. Faites du Yoga, mangez bio et n’arrivez pas en retard au travail.
PS : Si vous avez trouvé cet article débile, vous avez peut-être des questions à vous poser.
« Utilisez le novlangue local »‘ > Ou pas. Vous ne pouvez pas imposer ce positionnement aux autres comme ça. Pour ma part, j’assume totalement le fait de justement prendre parti. Et les gens me suivent aussi car ils savent que je suis quelqu’un de convictions. Même si nous ne sommes pas toujours d’accord, le débat est riche et intéressant quand il a lieu, et ça fait bien plus authentique que la myriade de blog tous aussi plat les uns que les autres à se repomper les sujets et employer le même ton.
Je ne dis pas qu’il faut a tout prix afficher ses idées sur le web, je dis juste que l’on ne peut pas tirer une règle de ce point et que c’est à chacun de faire en fonction de sa sensibilité : les deux solutions fonctionnent, mais ne touchent pas le même public.
Bonjour KAES et merci pour votre commentaire. J’apprécie que vous souligniez ce point en particulier et vous avez raison, le débat est riche et existe sur internet. Comme vous, j’apprécie les dialogues authentiques et vous aurez compris que le juste emploi du mot « Novlangue » quoiqu’un peu abusif, fait justement référence à la « la myriade de blog tous aussi plat les uns que les autres » que vous nommez. Vous n’aurez pas manqué la nature satirique et humoristique du post qui n’est pas à prendre trop au sérieux, je ne cherche en aucun cas à donner de vraies leçons, a fortiori quand je commence moi-même cette aventure sur internet. 🙂
Génial, tu as formulé ce que j’avais en tête depuis des années.
C’est bien vrai que les contenus web sont formatés, stéréotypés etc. comme tu le décris. D’ailleurs on a bien du mal à se défaire de ce formatage… Un rédacteur web peut en remplacer un autre sans connaitre le sujet, ni même en maitrisant l’orthographe.
Il y a même beaucoup de sites influents (jdg par ex) qui laissent passer un nombre monstrueux de conneries et d’orthogaffes… Certains lecteurs en font la liste dans les commentaires.
Le pire c’est qu’au final tout le monde s’en fout car sur 100 lecteurs, un seul s’en indigne, ce qui ne change rien à leurs statistiques.
Comme tu le dis, toute la rédaction est tendue vers le chiffre.
D’ici quelques années on aura des blogs Lorem Ipsum, personne ne s’en rendra compte. Il suffira seulement d’écrire les titres.
Bref merci mec pour ce démontage des codes du web. Il y a beaucoup à dire et peu en prennent la peine… Tant que le modèle fonctionne et que les lecteurs « lisent ».
A+
Et moi qui croyais que les articles n’étaient la que pour le référencement… 😉 j aurais ajouté aussi un point sur la longueur de l’article… trop long c est chiant, on dit environ 400 mots il me semble. Bien joué en tous cas pour cet article… en novlangue ca fait « j aime » il me semble ! ciao.
Article vraiment sympa, et un ton qui change !
Je rejoins Kaes pour « la myriade de blog tous aussi plat les uns que les autres à se repomper les sujets et employer le même ton. »
Après ça dépend évidemment des objectifs que chacun se fixe pour la tenue d’un blog : raconter sa vie passionnante, relayer un max d’infos déjà vues mille fois sur d’autre sites, s’attirer du référencement…
Ou simplement profiter de cet espace de liberté où on peut s’exprimer sans contrainte, en mixant le professionnel et le personnel.
@Luc sympa ton commentaire, j’approuve.
@Vincent : La longueur des articles ne doit pas être un frein, si le contenu est intéressant et/ou mérite d’être développé. D’un côté les objectifs de référencement et/ou les statistiques moyennes de lecture ; de l’autre, des vrais lecteurs qui prennent le temps de lire. Parfois ça fait du bien de se dire « Fuck le SEO ».
Fantastique, j’ai trouvé cet article fantastique. Pour qui a un minimum de second degré en tout cas, vous avez énoncé toutes les raisons pour lesquelles mon blog reste confidentiel, avec beaucoup d’humour.
C’est ma-foi malheureusement vrai, la publication internet lisse la créativité.
Je retrouve là le style acerbe de la rédaction, ce second degrés, je valide l’approche.
Même j’admets avoir donné à mes clients des astuces de titres accrocheurs, j’avoue que le reste de l’article me parle bien (et me fait sourire aussi par la même occasion!).
Par contre tes standards de qualité sont hauts » Restez positifs en tout temps et ouvert au dialogue. Faites du Yoga, mangez bio et n’arrivez pas en retard au travail. » pas certaine d’être au niveau un jour… Snif /* fini son pot de Ben N Jerrys en reniflant*/
Le point positif c’est que toutes ces personnes lisent…
Absolument! il est indigne que des gens se mettent à vraiment écrire sur internet. Internet c’est juste la coolitude virtualisée, et pas un endroit où on doit réfléchir. Internet c’est Atazone et ses emplettes en 1-click, Internet c’est TripesAdvizore et ses commentaires faits par des petits Africains payés à la ligne, Internet c’est Docte-ici-mots et ses diagnostics à l’emporte-pièce trouvés dans une pochette surprise.
Alors je dis non. Non à la dictature du cerveau sur Internet.
Et merci d’avoir si bien résumé ma pensée… pardon, ma ligne éditoriale !
Salut Germain et merci pour ton commentaire. Bienvenue chez les réactionnaires d’Internet, je m’aperçois qu’on commence à être plusieurs, ça fait plaisir. En effet, le cerveau, ce satané organe visqueux, est une véritable plaie !
[…] sont les ordinateurs qui ont rétréci, les écrans avec eux. Comme expliqué précédemment dans Comment faire semblant d’être intelligent sur internet, écrire pour les petits écrans est devenu le sport de ceux qui privilégient le contenant au […]