« Sommet des Libertés » : l’éléphant fasciste dans la pièce

Une vidéo promotionnelle annonçait la couleur sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines : le Sommet de Libertés, ce 24 juin au Casino de Paris, réunira tous ceux pour qui la « liberté » importe. Entendre par là, la liberté d’entreprendre, de tronçonner la puissance publique et « l’État, partout, tout le temps ». La liberté aussi, de mettre les « étrangers » dehors. Fusion consommée des sphères de Pierre-Édouard Stérin et Vincent Bolloré, milliardaires pudiquement qualifiées de « réactionnaires », le sommet a réuni 1 300 personnes dont quantité de journalistes à en croire la flopée d’articles qui a suivi. Si l’on exclut la presse acquise à la cause, le reste du spectre médiatique a restitué plutôt fidèlement la soirée, avec un point aveugle, une difficulté immense à dire les termes : fascisme, a minima fascisation. Et pourtant c’était clair. Retour sur la soirée.

Un article publié sur AOC.

Ambiance extrême

Le casting est éclectique. Aux manettes Olivier Babeau (Institut Sapiens), Arnaud Rérolle (Périclès, la société « d’intelligence politique » de Stérin, pour Patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes ), et une kyrielle d’invités ou animateurs dont Nicolas Perruchot (UDF –cité dans les Pandora Papers), Louis de Raguenel (journaliste chez JDNews, mais aussi « barbouze des émirats »), Stéphanie de Muru (journaliste sur Russia Today de 2017 à 2022), Benoît Perrin (Contribuables associés – l’association fête chaque année le « jour de la libération fiscale »), Charlotte d’Ornellas (CNews – « Journaliste préférée de la fachosphère  ») et les usual suspects de la bien mal nommée « alliance des droites » puisqu’elle n’est pas de droite mais d’extrême droite : Jordan Bardella, Éric Ciotti, Sarah Knafo, Marion Maréchal Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan. En saupoudrage, les instituts prétendument scientifiques du petit milieu libertarien français : IREF, IFRAP, sans oublier les crypto-boys, forcément à l’aise dans un Casino. La plupart sont financés par le réseau étasunien et libertarien Atlas, dont la Heritage Foundation est partie prenante, celle-là même qui a publié le « Project 2025 », plan visant à centraliser le pouvoir exécutif, purger l’administration, imposer une morale chrétienne réactionnaire et démanteler les contre-pouvoirs.

Dans la longue queue qui conduit aux portes de la salle du 9 arrondissement, propriété de Bolloré, on sent déjà l’effervescence. Il faut tendre l’oreille : ici un groupe local affilié Rassemblement National, là un jeune homme qui expose fièrement un T-Shirt griffé de l’url « salairecomplet.fr », un site qui permet de comparer salaire brut et salaire net. On vous fouille en bonne et due forme avant de passer au vestibule où une jeune femme vous colle dans les mains un sticker « Taxes abusives » – tout en expliquant à sa voisine qu’elle travaille en ce moment « à Station F ». Partout, l’hexis corporelle de l’aristocratie d’extrême droite, entre rallye mondain et gala de fin d’années d’une grande école parisienne : robes ajustées, costards et nœuds papillon, un brin de folie pour les costumes trois pièces portés le menton haut. Beaucoup d’hommes de toute évidence bodybuildés, quelques chevalières, on rit fort et sans retenue : ce soir, c’est le moment où on peut enfin tout dire. De toute évidence, beaucoup de jeunes gens sont venus en groupe et malgré la chaleur assommante, l’ambiance est à la fête.

Le « Village des libertés » est installé dans le salon qui précède la salle de spectacle. Assemblage hétéroclite de stands où l’on cueille quantité de brochures libertariennes. On y discute avec passion. Sur une table haute, deux jeunes étudiants en histoire de l’économie à la Sorbonne réveillent l’essentiel de la littérature libérale française (et autrichienne, mais l’épais livre de Ludwig von Mises n’est pas à vendre) édités par l’Institut Coppet. Pas loin, la génération précédente, grisonnante, parle business : intelligence artificielle dans l’éducation, startups. Un investisseur raconte son parcours et la manière avec laquelle il a appris à sélectionner les jeunes pousses prometteuses, celles qui « scalent ». Deux jeunes femmes font la pose devant une machine à photographier. Derrière elles, l’affiche de l’événement et sa série de logos. Éclats de rire. Deux hommes boivent un grand verre de bière, l’un d’entre eux passe bientôt le barreau. D’autres ont opté pour les bulles. À côté du bar, le stand Crypto. Une grenade en plastique imprimée en 3D et des pin’s en forme de pièces de 1 euro coupées en deux habillent la table (« C’est ce qu’il reste après avoir payé les impôts »). Clou de l’apéritif : des signatures sont prévues. Olivier Babeau pour son dernier ouvrage L’ère de la flemme (Buchet-Chastel, 2025) à côté d’Eric Ciotti (« J’en prends trois, c’est possible d’avoir une note ? » demande un homme). Un journaliste de CNews lui tend déjà un micro. L’ouvrage de Jordan Bardella n’est pas loin, à côté de Les écologistes contre la modernité (Presse de la cité, 2021) de Ferghane Azihari (« C’est super, si tu veux je te le prête », lance un jeune à une autre). On feuillette : leçons de sagesse anti-précautionnistes, charges critiques contre Hans Jonas – il faut une certaine assurance. Ceux de Gaspard Koenig (du Think Tank Génération Libre) sont aussi disponibles à l’achat, quand bien même le journal Le Monde tente maladroitement d’extraire le philosophe du marasme extrémiste à l’œuvre : force est de constater qu’il reste une source d’inspiration  – il est d’ailleurs apparu sur la liste des invités.

Sens d’où vient la chaleur

Si l’ambiance a son importance, elle ne fait que préfigurer ce qui suit dans ce grand bal de l’extrême droite décomplexée. On s’assoit. Chaque fauteuil est orné du dernier exemplaire du JDNews. Un Luc Ferry de bonne humeur en ouverture. L’ancien ministre et philosophe pointe les grands dangers des temps modernes : les Deep Fake, le wokisme. À Science Po, bastion de l’islamogauchisme, mais aussi dans les facs où les étudiants « arrachent les photos des otages israéliens ». Certes, « Trump est brutal, mais »… après tout, on peut le comprendre. « On sent sur soi en permanence le poids du politiquement correct », lance Ferry. Ses amis peuvent en témoigner : Onfray, Houellebecq, Finkielkraut. « Si j’étais ministre » – de toute évidence il est candidat – on reverrait en profondeur les cours d’éducation civique (avec les romans de Houellebecq ?). Applaudissements. Huit minutes plus tard (heureusement, les interventions sont courtes), Alexandre Jardin – en vidéo – y va de sa critique de la technocratie. Le combat des « gueux » : contre les éoliennes, les ZFE, le DPE. Bonne entrée en matière pour la table ronde qui suit : Nicolas Perruchot face à la députée LR de Maine et Loire Anne-Laure Blin. Trente minutes de « chasse aux agences ». Tout doit disparaître : Office français de la biodiversité, Commission nationale du débat public (CNDP), Comité économique, social et environnemental (CESE). Une belle relance du modérateur : « Pourquoi on ne peut pas tuer le cancer bureaucratique français ? » Parce que les lobbys se défendent. Ces agences, comme l’ADEME, ne servent qu’à recaser les copains. Jack Lang (à la tête de l’Institut du monde Arabe) est cité, puis immédiatement hué par la salle (lui, ou l’Institut et le mot qui vient après). Puis vient le tour des syndicats : pourquoi ne chiffre-t-on pas le « coût du dialogue social » ? Et celui des comités d’entreprise ? Sous-texte : il faut les définancer. Cris de joie.

Après un interlude vidéo de l’IREF et son « école de la liberté » (non diplômante), on annonce le prochain panel, « très diversifié ». Les chaussures peut-être. Romain Dominati (fan boy du parti Miléiste sur le réseau social « X ») discute avec Jean-Philippe Feldman (avocat) et l’économiste Pierre Garrello. Enfilage de perles libertariennes : « Milei a conquis le cœur des argentins », « il faut dire la vérité aux français », écouter « les gens très sérieux de l’IFRAP » (estampillé « faux institut de recherche » depuis au moins 2018). Il sera cité plusieurs fois, avec l’Institut Montaigne et Alexis de Tocqueville. C’est l’essayiste Laetitia Strauch-Bonart qui poursuit, sur le thème « Comment dit-on “oui mais” aux Lumières ? ». Il faut oser. Beaucoup d’air brassé mais il fait toujours aussi chaud. Final remarqué à propos de la nécessaire alliance à droite, à la double condition de croire à l’autodétermination des peuples (l’Ukraine, pas la Palestine) – la salle s’énerve quand même – et de fermer la porte au Rassemblement National (cris d’orfraie dans le public), et de préciser : « Je ne crois pas à l’union des droites car le RN n’est pas de droite » (soulagement). 

Il fait vraiment très chaud. Pierre Noizat, ponte des crypto françaises persuadé de vivre en URSS répond maintenant à Charlotte d’Ornellas. Le projet : en finir avec le monopole monétaire des banques centrales. De belles certitudes : « s’il n’y a pas de pluralisme monétaire, il n’y a pas de pluralisme politique ». Comprendra qui voudra. Le Bitcoin, cette « technologie de la liberté ». « Comment en est-on arrivés là ? », demande d’Ornellas. À cause de l’Education Nationale et de la banque de France, complices de l’endoctrinement de nos têtes blondes, répond l’entrepreneur. N’y voir aucun complotisme, juste une analyse « radicale », mot dont l’étymologie est rappelée pour l’occasion. Arrivent Charles de Courson et Olivier Babeau (fossoyeur de la Convention citoyenne sur le climat, une entreprise « totalitaire »), animés par Stéphanie de Muru, sur la question des retraites. Débat de bonne tenue, si l’on exclut un cri du cœur contre l’immigration venant de la fosse. Babeau n’a pas poussé le jeu jusqu’à discuter frontalement avec l’extrême droite, il faut savoir conserver une respectabilité si bien acquise sur FigaroVox, Europe 1, Les Échos, Franc-Tireur, Le Journal du Dimanche, Valeurs actuelles et même Arte. Un bon client. Les retraites donc, un échange technique – la preuve, les Français n’y ont rien compris – dans le plus pur esprit TINA – There is no alternative. C’est attendu : il faudra travailler plus dur et plus longtemps, se serrer la ceinture, gorger d’argent les fonds de pension, etc. 

Jusqu’à l’extase

La lumière s’éteint maintenant. Nouvelle vidéo, un jingle pousse le suspense à son comble : il reste deux ans avant les élections présidentielles. C’est l’heure du grand oral où la crème de l’extrême s’offre consécutivement douze minutes de tribune face à une Christine Kelly ravie d’être avec nous. C’est Jordan Bardella qui ouvre le bal. Habile, contre « l’impôt papier » – l’administration, le devoir de vigilance qui freine les entreprises, les réglementations et tout ce qui verrouille « la croissance, la croissance, la croissance ! ». Il faut « simplifier », « faire confiance à nos entrepreneurs » : il en parlait justement cet après-midi à Station F, nouveau repère de l’extrême droite, apparemment. Un mot sur Gaza : plus un sou pour les Palestiniens. « Une mesure pour la liberté ? », demande Kelly. Fermer l’ARCOM, réouvrir C8. La salle jubile. Éric Ciotti poursuit. L’ARCOM encore, décidément. Et l’inertie de la fabrique de la loi : on ne peut plus rien faire, la faute au Conseil Constitutionnel. Proposition : en passer directement par le peuple. Ciotti veut un Référendum d’initiative citoyenne, mais à la place des « corps intermédiaires » (comme par exemple : le Conseil constitutionnel). Il s’auto-congratule, son rapprochement avec le RN était « audacieux ». C’est au tour de Sarah Knafo, chaleureusement accueillie, pour dire le moins. Derrière moi, on crie son prénom. Une sacrée queue de poisson à Éric Zemmour. Le discours est pourtant vu et revu à cette heure tardive : l’État est devenu obèse, les agences coûtent cher. Les pistes cyclables aussi. Et les syndicats – qu’ils se financent eux-mêmes, « s’il servent vraiment à quelque chose ». Fan service : « On a accueilli chez nous des gens qui nous détestent, qui agissent contre nous, qui veulent nous conquérir. » Knafo oscille entre l’ennemi intérieur et le choc des civilisations, l’audience exulte. À la demande de Christine Kelly, une mesure phare : « Créer cent mille places de prison ». Inspirant. Il fait vraiment trop chaud, tant pis pour Nicolas Dupont-Aignan et Marion Maréchal Le Pen – dont on apprendra ailleurs qu’elle aura défendu une politique nataliste –, on étouffe. Je ne suis pas le seul à sortir, à croire que beaucoup n’étaient venus que pour elle. 29,90 euros la place, il fallait tout de même amortir la soirée.

Une déception toutefois, pas de figures de gauche dans cet événement « apartisan », comme vendu dans la vidéo promotionnelle. Difficile aussi, de discerner les véritables désaccords promis par Olivier Babeau en ouverture. Tout au plus ont-ils été perceptibles dans la salle, à l’applaudimètre. Les extrêmes droites sont encore des écuries concurrentes, mais le drapeau reste globalement le même : une tronçonneuse. L’objectif : s’accorder sur l’essentiel et faire monter la figure miléiste ou trumpiste qui saura fédérer le tout le plus efficacement possible. Chez Bolloré et Stérin, évidemment absents, les paris sont lancés. Dans la rue, devant la salle, l’ambiance est toujours aussi bonne. On croise l’ancien responsable de « Génération Z », le mouvement des jeunes avec Zemmour. Quelques costauds en pause cigarette. À terre, un micro rouge de CNews et l’équipe qui s’affaire autour du camion. Des véhicules aux vitres teintées. De badauds interloqués qui s’arrêtent devant cette étrange affiche, parfois en grimaçant, le plus souvent sans s’attarder. L’architecture de la soirée a littéralement rejoué ces dix dernières années dans l’hexagone : de la droite néolibérale à l’extrême droite, une fulgurante montée en puissance alimentée d’une quantité d’organismes moléculaires s’agglutinant de livres en Instituts, de chroniques en coups d’éclats, jusqu’à l’extase du racisme décomplexé crié tout haut dans une salle surchauffée, prête à bondir comme un seul homme sur le premier fonctionnaire venu. De cette grande réussite on aura retenu l’alliance des droites, le « glissement » attendu du néolibéralisme vers le libertarianisme, plébiscité par certains milieux économiques. Le tout sans jamais nommer ce qu’aura été cette soirée : un nectar fasciste clair et évident, que la presse non affiliée à l’extrême droite a donc eu toutes les peines à nommer.

Fascisation.

Dès le lendemain, une pluie d’articles et beaucoup de prudence. Au journal Le Monde, Clément Guillou lâche le mot « xénophobie » mais choisit de qualifier la rencontre de libérale, conservatrice et réactionnaire. Il s’interroge toutefois : sont-ils vraiment libéraux ? Et d’invoquer Gaspard Koenig pour y répondre : non, c’est du « populisme », qualificatif peu pertinent puisque d’un bord à l’autre du spectre politique, il concerne à peu près tout le monde. Chez Médiapart, on se contente d’une étiquette « libéral-conservateur » pour désigner le sommet. À Politis, on souligne l’analogie avec l’esprit miléiste et le projet trumpiste, sans plus d’analyse. La Croix s’arrête à « l’extrême droite » et au « conservatisme ». Caractéristique du flottement sémantique à l’œuvre, l’Express et Le Point optent pour les mêmes éléments de langage. On ne sait plus à quel journal s’abonner pour lire ce qu’il faudrait lire : fascisme. De toute évidence, le terme est miné, disqualifiant. Hubert Bonisseur de La Bath l’expliquerait sans doute parfaitement : les fascistes ont des chemises brunes, des bottes, des milices armées et des structures paramilitaires. On se noie dans le relativisme historique : en effet, Hitler n’était pas Mussolini. Les juifs ne sont plus la cible du RN depuis longtemps. Puis dans l’étude comparée avec les Etats-Unis : en France, on ne lit pas de pamphlets comme ceux de Marc Andreessen, on n’exclut pas tout haut la possibilité d’un régime démocratique comme le fait Peter Thiel, on n’écrit pas de manifestes semblables à ceux de Curtis Yarvin. Le « Techno fascisme » à l’américaine agit comme un miroir déformant, on s’y regarde apparemment pour ne pas s’y voir. On pourrait pourtant se prêter à l’exercice. C’est bien l’urologue transhumaniste Laurent Alexandre que le « libéral » Olivier Babeau est allé chercher en 2016 pour fonder Sapiens. Le même qui partage à l’envi ses obsessions pour le quotient intellectuel (QI), un « IQ-centrism » (centrisme du QI) dont l’historien canadien Quinn Slobodian, et d’autres avant lui, ont bien montré quel outil formidable il représentait pour durcir les différences humaines en les présentant comme immuables et fondées sur des lois naturelles. On sait par ailleurs que le milliardaire Pierre-Édouard Stérin note les gens sur dix, n’y voir aucun lien. Ce dernier, exilé fiscal en Belgique, a lancé plusieurs fonds dans le pur esprit « philanthrocapitaliste », l’échelle de temps envisagée pour accomplir cette destinée : 2000 ans. On n’est pas loin du « long-termisme » étasunien, décliné dans la paroisse du coin. 

Tout ceci est donc un peu court. En France, la recherche a bien documenté de quelle manière les partis d’extrême droite ont de longue date mis la violence politique de côté, une stratégie comme une autre pour arriver au pouvoir. L’Islam est devenu le substitut fonctionnel à la haine des juifs, un « racisme respectable » qui n’obère en rien la haine souterraine envers toutes ces religions, encore très vive au Rassemblement National, et pas que dans les boucles WhatsApp. Quant aux milices, elles attendent patiemment le grand soir, mais le parti saura compter sans elles tant l’État dispose déjà de tous les moyens, technologiques et juridiques, pour surveiller, réprimer, censurer et définancer l’opposition. Quiconque s’arrête sur les quatorze qualifiants du fascisme selon Umberto Eco les retrouve facilement au cours de la soirée. Mais là encore, il pourrait en manquer un. Le fascisme n’est pas une liste de cases à cocher. Pour le dire avec le chercheur Ugo Palheta, « il y a dès lors quelque chose d’irresponsable à refuser de penser l’extrême droite contemporaine à la lumière du fascisme, (…)  on renonce ainsi à apprendre comment les mouvements de ce type, une fois créés, parviennent à s’enraciner, à obtenir le pouvoir et à l’exercer durablement » (1). On en aura vu tous les signes le 24 juin à commencer par l’idée de reconstituer « communauté imaginaire » – le mot « famille » fut largement employé – en anéantissant tous les conflits sociaux (destruction des syndicats, des associations de défense des droits humains ou de l’environnement), en matant toutes les contestations (le wokisme, substitut fonctionnel au marxisme culturel), en sortant du paysage les communautés ethnico-raciales (ceux « qui nous détestent », porte ouverte à la « remigration », euphémisme pour déportation). Ce sont là les principales caractéristiques du fascisme, selon Palheta. George Orwell prévenait qu’il ferait son retour sur la place publique en portant un chapeau melon et un parapluie roulé sous le bras : il nous faut actualiser l’image, prendre acte de ses évolutions. Il n’y a rien d’extraordinaire à se dire qu’il peut aussi prendre les habits du startuper, de l’invité médiatique permanent, du lobbyiste bien sous tous rapports. Il y a aussi un nom pour ceux qui ne s’en réclament pas directement, mais qui organisent leur arrivée et leur tendent le micro, fussent-ils encore qualifiés de « libéraux ». Les fascistes sont bien là, ils n’ont juste pas encore complètement conquis le pouvoir. Les nommer, c’est juste mieux se préparer à les en empêcher, dans le meilleur des cas.

(1) Ugo Palheta, Comment le fascisme gagne la France. De Macron à Le Pen, Paris, La Découverte, 2025.

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