Dans son ouvrage L’utopie déchue, Une contre-histoire d’Internet (XVe-XXIe siècle) – Fayard, 2019, le sociologue Félix Tréguer retrace l’histoire longue des moyens de communication, que la censure d’Etat rattrape inlassablement. De l’imprimerie à l’informatique, le même schéma semble se répéter. Ce constat amer interroge au plus près l’efficacité des nouvelles formes de résistance ainsi que la sensibilité des citoyens aux questions de liberté. Tréguer, chercheur et membre de la Quadrature du Net, nous rappelle la nécessité de cultiver une technocritique vive et de lutter coûte que coûte contre nos mémoires trop courtes. Nous avons échangé quelques mots.
Pourquoi faire remonter cette contre-histoire de l’internet au XVe siècle ?
Les dates sous le titre peuvent en effet surprendre. Je dois ce retour historique au sentiment de défaite dans certains combats importants menés à la Quadrature du Net, alors que j’amorçais mes recherches en 2011. La raison d’État et la logique de contrôle prévalaient, quand bien même nos arguments fondés sur les Droits de l’Homme étaient largement soutenus par des institutions internationales, les rapporteurs de l’ONU, le Conseil de l’Europe ou encore d’éminents juristes. Et malgré cela, nous perdions nos batailles devant les parlements, et la jurisprudence prenait déjà une pente glissante. Face à cette situation, j’ai donc voulu mieux comprendre la manière dont l’Etat avait historiquement régulé les moyens de communication, afin de réinscrire internet dans cette longue histoire. Je suis remonté au XVe siècle, car c’est à peu près à ce moment qu’Habermas fait remonter sa propre « archéologie » de l’espace public, un concept fondamental en sciences politiques. L’imprimerie apparaît à cette époque et constitue le premier moyen de communication permettant de démocratiser la possibilité de produire de l’écrit et de le faire circuler. Or, c’est aussi à ce moment qu’apparaît l’Etat moderne. C’était donc un point de départ idéal pour penser les liens entre l’Etat et les moyens de communication. Le terme « contre-histoire » quant à lui, s’inspire directement la démarche foucaldienne. Il renvoie à la volonté de montrer la violence des dispositifs de pouvoir ; de rappeler que même dans un régime représentatif qui prétend protéger la liberté d’expression, les reniements sont nombreux ; de raviver la mémoire des hommes et des femmes qui ont porté des politiques alternatives ou des combats pour les libertés.
Tu écris que la reconnaissance progressive de la liberté d’expression est vite déçue. La mainmise de l’Etat sur les moyens de communication est-elle une constante dans l’histoire ?
En ce qui concerne l’imprimerie, il y a ce rattrapage assez rapide de l’État qui souhaite reprendre la main sur ce qui est devenu un instrument de contestation politique, notamment dans le cadre de la Réforme protestante. Schématiquement, c’est le moment ou l’État s’émancipe du cadre théologico-religieux, qui était caractérisé par la soumission du pouvoir royal à l’autorité papale. Les princes d’Europe doivent gérer le désordre, et c’est dans ce contexte que se cristallise la doctrine de la raison d’Etat qui légitime leur pouvoir sur des bases nouvelles. La raison d’Etat peut s’analyser comme une rationalité suivant laquelle l’accroissement de la puissance du prince est la fin ultime qui justifie tous les moyens. C’est dans ce cadre conceptuel que la plupart des formes de contrôle des moyens de communication – censure, secret, surveillance, propagande – vont puiser leurs justifications. C’était vrai hier, et ça l’est encore aujourd’hui.
Et pourtant, tu retraces également tous ces moments où les citoyens semblent ouvrir des brèches et parviennent à instituer certaines libertés. C’est notamment le cas pendant la révolution.
Oui, et c’est un fait que nous devons avoir à l’esprit à une époque où l’on pourrait perdre espoir : l’histoire est contingente. Même dans des contextes historiques où la partie semble perdue, des événements peuvent survenir et renverser la donne. Il arrive que l’ordre public vacille, comme pendant la Révolution ou en mai 1968. Les grandes structures politiques sont alors chamboulées et des moments de libertés pratiques peuvent émerger. C’est le cas pendant les premiers mois de la Révolution, avec la fin de la censure préventive, la multiplication de l’édition de journaux et l’appétit pour la chose publique au sein du peuple. Des publics alors exclus de l’espace public s’y font jour, avec une segmentation de la presse en fonction de publics variés, comme les soldats de la garde républicaine ou les femmes à qui l’on refusera encore longtemps tout droit politique. Très vite pourtant, on voit les vieilles formes de contrôle des médias développées au sein de la Monarchie absolue faire leur retour. On parle souvent chez les juristes du progrès des Droits de l’Homme comme une sorte d’effet cliquet : lorsqu’on acquière des libertés, il serait difficile de revenir en arrière. Je pense que cela s’applique tout aussi bien aux dispositifs répressifs. De fait, la Révolution est vite rattrapée par la raison d’Etat, au nom de la sûreté de l’État et des bonnes mœurs. Mais je trouve passionnant de voir comment ces moments de profonde crise politique sont aussi l’occasion de reconfigurer nos imaginaires politiques. En l’occurrence, avec des journalistes et démocrates radicaux comme Nicolas de Bonneville, avec aussi des députés comme Robespierre et certains de ses alliés, on assiste à la naissance d’une doctrine libertaire de la liberté d’expression, similaire à certains égards à celle qui s’imposera à la cour suprême des Etats-Unis au cours du vingtième siècle.
Tu fais un lien assez direct entre l’essor de ces mouvements de contestation en faveur des libertés et les grandes figures et moments « technocritiques » de l’histoire, en quoi ces deux combats sont-ils liés ?
La technocritique est venue assez tard dans mes recherches, sans doute suite à une prise de conscience progressive liée à mes travaux, à mon expérience militante, et aux lectures que j’ai pu faire à partir de 2015, notamment celle de François Jarrige ou de Celia Izoard. Comprenant mieux les liens entre technocritiques et défense des libertés, j’ai ramené ces lignes critiques à mon récit historique, par exemple en évoquant les imprimeurs qui dès 1830 faisaient naître les premières révoltes sociales ouvrières. Dans un contexte d’industrialisation très rapide et de mécanisation de leurs outils, ils dénoncent alors une forme de déshumanisation du travail mais aussi les effets proprement politiques induits par cette mécanisation et la transformation des conditions de production des livres et de la presse. Cent cinquante ans plus tard, au moment de l’informatisation, les liens entre « médiactivistes » et technocritiques existent toujours, par exemple au sein du mouvement des radios libres. Même la mouvance hacker semble en partie influencée par les discours technocritiques des années 1970, bien si l’historiographie dominante l’oublie souvent. On sait par exemple que Wau Holland, cofondateur du Chaos Computer Club (CCC), une des organisations de hackers les plus influentes en Europe née au début des années 1980, était influencé par le mouvement écologiste et la critique des technologies. Si les hackers sont critiques vis-à-vis de la trajectoire dominante de l’informatique, ils pensent néanmoins qu’il est possible de se réapproprier ces technologies de façon subversive et d’en juguler leurs aspects négatifs. Les groupes plus radicaux ne voient pas les choses ainsi. À l’époque ou le CCC émerge, le Comité pour la liquidation ou la destruction des ordinateurs (CLODO) fait par exemple parler de lui en France. Il s’agit d’un groupe anarchiste qui met à feu les équipements informatiques des grands groupes privés ou publics dans la région de Toulouse, expliquant en substance que, dans un monde saturé de rapports de domination, l’informatique ne peut être qu’un outil de plus aux mains des dominants. Le CLODO s’inscrit ainsi dans une longue série d’actions de sabotages physiques d’ordinateurs entamées dès les années 1960 aux Etats-Unis, puis en Italie avec les Brigades Rouges ou en Belgique avec les communistes d’Action directe. En dépit des différences, ces modes d’action semblent avoir tout de même rencontré un écho dans une partie du discours hacker, qui va par exemple chercher à mettre des grains de sable dans le système au travers d’intrusions informatiques ou des fuites de données.
La répression envers ces groupes en marge de la légalité s’est-elle durcie ?
Par rapport aux années 1970, et ce même si les hackers avaient dès les années 1980 essuyé une intense répression, celle-ci s’est passablement aggravée. Les Anonymous l’illustrent bien, avec par exemple la condamnation en 2013 de Jeremy Hammond à dix ans de prison pour avoir fait fuiter les données de la société de renseignement privé Stratfor. Les cas d’Assange et de Chelsea Manning aussi. Ces cas individuels rappellent que l’espace juridique des formes offensives d’engagement militant, assimilables à des formes de désobéissance civile, a été réduit à portion congrue, et bien évidemment pas seulement pour les hackers et autres activistes numériques. Pour mesurer ces évolutions, il faut par exemple se rappeler que les membres d’un groupe comme le CLODO, qui provoquait pourtant des millions de francs de dommages, n’ont jamais été retrouvés ni condamnés. À l’époque, la police expliquait aux entreprises visées qu’elles n’avaient qu’à mieux sécuriser leurs installations ! La presse parlait d’eux comme des lanceurs d’alerte.
Dans cette période d’informatisation, tu décris de nombreux mouvements qui envisagent un renouveau démocratique grâce aux ordinateurs et aux réseaux. Qui sont-ils ? et pourquoi leurs espoirs finissent par être douchés ?
Il y a clairement une utopie qui émerge en lien avec les nouveaux espaces de sociabilité en ligne, comme les BBS (des services d’échanges de messages en ligne) ou les chatrooms puis surtout le Web, où on peut trouver des informaticiens, des professions intellectuelles et d’autres catégories qui commencent à penser les réseaux comme de nouveaux outils d’expression et de communication militante. La mouvance altermondialistes des années 1990 en sera d’ailleurs une matrice fondamentale. En France, Le R@S, un hébergeur de mailing lists et de sites web, émerge dans le contexte du mouvement contre la réforme des retraites en 1995. Très lié au mouvement social, il va équiper des syndicats, des mouvements comme ATTAC mais aussi des associations antiracistes ou de soutien aux personnes précaires. Des informaticiens jouent littéralement le rôle d’administrateurs systèmes pour ces mouvements qui s’approprient ces nouveaux moyens de communication. C’est une période d’expérimentation au cours de laquelle émergent certains espoirs, mais ces derniers sont assez vite déçus : la marchandisation d’Internet pointe déjà, et les projets de loi répressifs aussi, qu’ils soient justifiés par la lutte contre le terrorisme, contre les contenus racistes ou pédopornographiques. Dès le milieu des années 1990, on assiste à une première vague de législations auxquelles se heurtent les groupes d’informaticiens politisés et alors très écoutés, comme Laurent Chemla, l’un des cofondateurs de l’Association des utilisateurs d’Internet (fondée en 1996). Bientôt, ce seront aussi les premières défaites, surtout après les attentats de 2001 quand de nombreuses lois encore tenues à distance entrent progressivement dans l’arsenal juridique. Une première génération de militants commence à se fatiguer. Je fais partie pour ma part d’une seconde génération, apparue au tournant des années 2000. A cette période, on assiste eu Europe à la réactivation de certains groupes tombés en sommeil, comme l’EDRI (European Digital Rights), ou à l’émergence de nouveaux groupes comme La Quadrature du Net, qui vient en 2008 prendre la suite d’associations comme l’IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire). On anime alors de fortes mobilisations contre Hadopi ou l’ACTA, au niveau européen. Mais c’est surtout la réponse apportée par les États à Wikileaks et les suites des fuites permises par Snowden, en lien avec l’oligopolisation croissante de l’économie numérique, qui pour nous vont parachever la désillusion.
A ce propos, tu évoques dans ton livre une affaire Snowden avant la lettre, dès les années 1960…
Oui, en 1960, deux lanceurs d’alerte de la NSA (William Martin et Bernon Mitchell) vont révéler l’existence de la NSA (créée en 1952) et ses activités de surveillance de masse en place depuis près de dix ans. Les lanceurs d’alerte tiennent d’ailleurs leur première conférence de presse à Moscou, où ils ont fait défection, dans un parallèle saisissant avec l’affaire Snowden. Ce genre de « déjà-vu » devrait attirer notre attention : alors même que des configurations historiques semblent se répéter, nous avons énormément de mal à tirer les leçons du passé. Est-ce que c’est simplement parce que nous n’avons pas la mémoire de ces événements ? Je n’en sais rien, mais il me semble que le fait de connaître cette histoire permet de mieux renseigner les débats sur le type de stratégie politique à tenir dans les temps présents, pour défendre la liberté à l’ère numérique.
En quoi ces stratégies politiques ont-elles muté ?
Justement, ces stratégies n’ont pas beaucoup muté, et c’est l’une des conclusions de l’ouvrage que de souligner qu’on a atteint leurs limites. J’ai vraiment mieux compris cela en travaillant que le chapitre qui revient sur la création de la CNIL et les débats autour de la surveillance d’Etat dans les années 1970. L’informatique entre alors dans les grandes bureaucraties, mais en même temps, les élites réformatrices consentent à mettre en place un cadre juridique protecteur des « données personnelles », qui vient poser comme une sorte de compromis entre le libéralisme politique et la raison d’État, entre d’un côté la vie privée et de l’autre l’impératif de croissance économique et l’autonomie géostratégique fondamentale qui appellent toujours plus de technologie. La différence avec aujourd’hui réside sans doute dans le fait que les élites alors au pouvoir ont encore en mémoire le souvenir de la guerre et de la résistance. Leur sensibilité ne me semble pas feinte. Lorsqu’on lit les rapports parlementaires de l’époque, il semble y avoir une véritable compréhension des dangers le l’informatique. Le discours de Valéry Giscard d’Estaing en 1978, en clôture d’un colloque intitulé « informatique et société », est d’ailleurs très illustratif : il décrit un consommateur avachi sur son canapé, devant un écran qui répondrait à tous ses besoins[1]. Cela passe encore pour un horizon dystopique, et en même temps Giscard montre une bonne compréhension des enjeux. Bien sûr, ce type de prise de position vient aussi répondre aux discours technocritiques très présents dans la période, notamment à l’endroit du nucléaire, de la société de consommation ou encore de l’informatique.
Or, quarante ans plus tard, ce compromis acté à l’époque a été tenu en échec. La société de surveillance tant redoutée est bien advenue. Et face aux controverses que continuent de susciter l’informatisation toujours plus poussée de la société, nous en sommes encore à recycler les mêmes stratégies, proposant de juguler les effets néfastes par le droit ou la technologie. Du côté des élites politiques, on en revient toujours à ce compromis : « l’informatisation doit se poursuivre, mais on vous donne quelques garanties ». Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les discours de l’ancien délégué au numérique Mounir Mahjoubi, à propos de la « bonne » ou de la « mauvaise intelligence artificielle ». Le fond est le même que chez les réformateurs des années 1970. La grande différence tient à la prise en compte du potentiel liberticide de l’informatique. S’il est évoqué, c’est pour la forme, pour faire taire les critiques et rappeler qu’après tout, on vit encore dans un État de droit, que « nous ne sommes pas en Chine ». On peut mettre ce changement d’état d’esprit sur le compte d’un manque de culture politique et historique, ou encore une moindre proximité avec la guerre… Aujourd’hui, comme le dit l’avocat François Sureau, c’est comme si nous étions « déjà habitués à vivre sans la liberté », au point où nous ne savons même plus comment en parler.
Malgré cela, le contexte juridique a évolué. Quel regard portes-tu sur l’adoption par l’Europe du Règlement général sur la protection des données (RGPD), et sur le rôle de la CNIL ?
Je reviens à ta question sur les stratégies politiques. Il existe aujourd’hui deux approches clés dans le répertoire d’action traditionnel des défenseurs des libertés à l’ère numérique. L’une d’entre elle est juridique et contraint les usages de l’informatique par le droit – par exemple le droit des données personnelles si on évoque l’enjeu de la surveillance. L’autre, comme le « Privacy by design », emploie des solutions technologiques.
Alors oui, il arrive encore que nous remportions des batailles. En ce qui concerne le RGPD, ce règlement européen est le résultat d’un contexte politique extrêmement favorable, puisqu’il fait suite aux révélations de Snowden. Grâce à ce texte, nous avons à disposition quelques notions juridiques très précieuses qui peuvent freiner la collecte massive de données et la publicité ciblée, qui se sont développées dans l’impunité totale depuis quinze ans. A La Quadrature du Net, nous essayons à travers des recours, de faire valoir ces interprétations subversives du droit pour démanteler certains modèles économiques. Mais même si je crois que ce combat juridique reste fondamental, même si je pense que nos interprétations sont les bonnes, il y a de grandes chances que l’on perde ces batailles, tant le droit reste soumis à un contexte politique et à des impératifs d’ordre économiques. Quant à la CNIL, l’amenuisement progressif de ses prérogatives montre là encore les limites de l’approche juridique. Sur le long terme, elle a été incapable d’arrêter le développement d’une société de surveillance, ce qui constituait pourtant sa raison d’être. Lorsqu’on regarde son rôle dans les débats sur la « Safe City » par exemple, il consiste juste à rappeler le cadre juridique, sans aucune volonté d’être dans une démarche politique. Comme si cela reviendrait à outrepasser son mandat. En 2004, la CNIL a perdu son pouvoir d’avis conforme pour la surveillance d’État. Et avec le RGPD, elle s’est fait rogner les pouvoirs dont elle disposait encore pour les personnes privées ou les collectivités locales. Désormais, elle n’intervient plus qu’à titre consultatif ou dans le cadre de contrôle a posteriori. Sous couvert d’accompagner et de responsabiliser ceux qui traitent nos données, elle a ainsi perdu le pouvoir d’interdire les expérimentations comme la reconnaissance faciale. Quant à l’approche technologique, en dépit des progrès en matière de chiffrement des communications ces dernières années, et en dépit des succès du logiciel libre et d’initiatives comme celles de Framasoft, il est assez clair que nous sommes encore loin du compte.
Reste-t-il de l’espoir ?
Il y a toujours de l’espoir. L’histoire est pleine de surprise : même lorsqu’une situation est apparemment désespérée, nous pouvons renverser la vapeur. Mais il ne faut plus se voiler la face. Une des leçons que je tire de cette histoire, c’est que si nous n’avons pas réussi à atteindre nos objectifs avec des approches juridiques et technologiques traditionnelles dans un contexte favorable, nous n’y arriverons pas plus aujourd’hui. Dans les années 1980, au moment de l’essor de l’informatique, nous avions des mouvements qui pouvaient compter sur des machines maîtrisables par les individus, accessibles aux hackers et aux autodidactes, avec des réseaux de communication souvent autogérés. Le contexte technologique était à la décentralisation de l’informatique. Sur le plan politique, avant la chute du mur de Berlin, le discours sur les libertés était une vraie monnaie d’échange et une stratégie de distinction Est-Ouest. Puis vint l’ère de la mondialisation heureuse, la fin de la guerre froide et le néolibéralisme triomphant. Le contexte était là encore relativement favorable, d’où des décisions historiques des cours constitutionnelles qui résistaient encore aux velléités répressives des États. Aujourd’hui, tant sur le front technologique que politique, le contexte qui est le nôtre est très défavorable. Nous vivons une guerre sans fin contre le terrorisme qui mène à une véritable injonction sécuritaire. Au même moment, nous atteignons une nouvelle étape de l’informatique avec une recentralisation très forte liée à l’essor du big data et de l’intelligence artificielle, qui conduit à une automatisation massive des grandes bureaucraties. Dans ces conditions, il me paraît très difficile de créer les conditions juridiques et technologiques pour concilier, informatique et libertés. Face à cette situation, la solution ne peut plus résider seulement dans la stratégie des « accommodements raisonnables ». Contre la prolifération de l’informatique de contrôle, nous devons affirmer un refus, et ouvrir nos imaginaires politiques et nos répertoires d’action à l’expression de ce refus. D’autant qu’il y a je crois dans ce refus matière à créer de nouvelles solidarités entre des mouvements sociaux travaillant sur des enjeux diverses.
[1]Extrait du discours mentionné par Félix Tréguer dans l’ouvrage :
« L’homme deviendrait un consommateur d’images et de signes, placé devant un écran universel capable de solliciter tous les savoirs, toutes les mémoires et tous les services. Il n’y aurait plus besoin pour lui de se déplacer : l’enseignement, les achats, les consultations médicales, et même une grande partie des activités professionnelles se feraient à domicile (…). Le monde entier serait proche, mais l’homme n’aurait plus de voisin.
Image en tête d’article : manifestation contre ACTA à Toulouse en 2012. Source : Wikipédia.
Irénée Régnauld (@maisouvaleweb), pour lire mon livre c’est par là, et pour me soutenir, par ici.
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[…] Chercheur et membre actif de l’association de défense des droits et des libertés sur internet La Quadrature du Net, Félix Tréguer est une figure connue et reconnue de ce nécessaire combat contre l’hydre de la raison d’État technologisée. Son livre n’est pas un brûlot, plutôt une rétrospective informée et personnelle de ces quelques dernières années. L’objectif annoncé est d’étudier les "causes de la technologisation de la police" (p. 19) et l’essor du "solutionnisme techno-sécuritaire". Tréguer produit un salutaire effort d’historicisation (synthétique) de la surveillance, depuis l’invention des statistiques à l’urbanisme, s’appuyant sur son précédent ouvrage (L’utopie déchue, Une contre-histoire d’Internet – XVe-XXIe siècle). […]