Assez rare pour être noté, un rapport sur les enjeux climatiques du domaine astronautique ont été récemment publiés. Le premier par « Pour un réveil écologique » et le second par « The Shift Project ».
Pour un réveil écologique :
Après avoir planté le décor, le rapport dresse les principaux impacts du domaine : gaz à effet de serre, émissions en haute atmosphère : nous sommes loin de tout calculer, et bien sûr, le volume d’activité s’accroît tout de même, sur Terre comme dans l’espace.
Les acteurs du spatial ne sont pas au niveau, en tout cas pas tous, pour relever les défis à venir. Les contradictions sont encore vives, quand par exemple, les premiers contrats d’Ariane 6, largement subventionnée, sont pour… Jeff Bezos. Comme le souligne le rapport de façon très pertinente : « Kuiper renforce, en partie au frais du contribuable européen, la main mise américaine sur l’espace et au prix d’un impact environnemental important ».
Parcouru également, le rapport de The Shift Project « Des réseaux sobres pour des usages connectés résilients » qui donne une bonne place aux réseaux satellitaires (basse orbite, notamment).
Travail salutaire, quand bien même on aurait l’impression de se répéter, certains éléments sont toujours bons à rappeler. Comme le fait que « 94 % de la masse (placée en orbite) est due aux grandes constellations comme Starlink et OneWeb, dont 90 points est due uniquement à Starlink ».
Ces déploiements interviennent dans un vide (littéralement) juridique, concernant leurs impacts environnementaux. A commencer par le plus basique : il faut 4,4Kg d’aluminium + circuits imprimés par terminal Starlink, soit 10 000 tonnes d’équipements pour 2,3 millions d’utilisateurs.
Je passe la question de la pollution lumineuse (elle augmente) et de l’impact sur l’astronomie (amateur notamment). Les projections ne sont pas fameuses, elles annoncent une multiplication par « 5 des émissions de GES pré-lancement entre 2021 et 2050 ». Et il y a aussi les effets hors CO2, complexes et encore mal connus, non pris en compte dans les analyses de cycle de vie : vapeur d’eau en altitude, suie dans la stratosphère. Certes, c’est encore marginal par rapport à l’aviation, mais ça augmente.
Et l’effet qu’on oublie toujours : les rentrées atmosphériques de satellites… Une récente étude rapporte ainsi que 10 % des aérosols présents dans la stratosphère contiennent des particules métalliques.
Avec les satellites en orbite basse, les usages se complexifient : plus de contenus riches, haute résolution, internet depuis des avions de ligne, tout ceci « réclame une empreinte matérielle croissante ».
Le shift n’oublie pas de rappeler que d’une part, cette empreinte est a minima 2 fois plus élevée que celle des réseaux fixes, mais qu’elle n’est pas appelée à décroître « puisque l’ensemble de l’infrastructure est à remplacer tous les 5 ans » (pour rappel, les premiers satellites Starlink ont maintenant 5 ans).
Enfin, bon à rappeler aussi : les satellites géostationnaires permettent déjà des connexions haut débit (même si la latence n’est pas au rendez-vous, mais de quels besoins parle-t-on ?). D’où la conclusion de cette partie du rapport, sans concession : « Les tendances mondiales en nombre de lancements et en masse envoyée en orbite sont incompatibles avec la maîtrise de l’empreinte environnementale du secteur spatial ».
J’ajouterai deux remarques plus personnelles. D’une part, le sous-financement de la science dans ce domaine. Qui contraste avec les fonds alloués à certains astrocapitalistes aux projets douteux.
Ensuite, j’invite à la vigilance sur l’argument techno-paternaliste soulignant l’importance de la connectivité dans les pays pauvres : s’agit-il de leur apporter de la valeur, ou de l’extraire ? (un texte de Steve Song en lien pour y réfléchir, car je déborde).
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