Dans la première partie de ce billet, je vous parlais de Humaitech, cette société qui ambitionne de « prolonger la vie » grâce à la fusion d’organes artificiels et d’informatique. Ce projet soulève un certain nombre de questions existentielles que le prisme de la philosophie peut nous donner à éclaircir, attelons-nous à cette tâche avec Nietzsche.
Transhumanisme et philosophie : esprits, corps et outils chez Nietzsche et Descartes
Comme beaucoup de sociétés, Humaitech fait appel à des ambassadeurs (ou influenceurs) pour répandre sa bonne parole, ce qui est plutôt pertinent dans le domaine du transhumanisme, sujet à de nombreuses controverses. Pour l’un de ces ambassadeurs, B.J. Murphy, les technologies associées au transhumanisme (les fameuses NBIC) sont absolument comparables à la roue, en cela, elles ne seraient que des extensions du corps imparfait de l’homme : des outils. C’est évidemment plus complexe que cela.
En effet, si la technique (puis la technologie, qui elle-même fusionne techniques, sciences et processus industriels) a « augmenté » l’humain dès son origine, elle doit aussi le projeter dans un devenir. Pour assurer cette projection, l’homme effectue des allers-retours constants avec la technique, il se constitue ainsi comme individu singulier dans la société (on dit alors que l’homme s’individue). Ces allers-retours avec la technique, ce sont autant d’appropriations artistiques, juridiques, environnementales et culturelles de cette dernière. L’idéologie transhumaniste ne propose pas de solutions pour gérer ce processus d’individuation : elle n’envisage que la rupture pure et simple dans le devenir humain, elle est une disruption. Son modèle est celui de la concurrence des corps : une fuite en avant vers un surplus constant de productivité sans repères qui court-circuite la réflexion, la volonté, le bien commun.
Dans un article qu’il publie sur la plateforme Medium, le blogueur déclare également que l’humanité en chacun de nous n’est que « spirituelle », le corps n’aurait rien à y faire :
« (…) keep in mind that the human mind is all there truly is of which makes us human in the first place »
La logique Cartésienne (le célébrissime cogito) ici poussée à l’extrême part du principe que la pensée ne procède pas du corps. Ce dernier ne serait qu’une enveloppe superflue, vieillissante, substituable. En somme, l’âme existerait en tant qu’entité à part, un peu comme un MP3 sur un CD vierge. L’erreur de Descartes devient l’erreur des transhumanistes. C’est contre cette logorrhée sans finalités que Nietzsche s’insurge. Pour lui, le corps est ancré dans le réel, il se fait ambassadeur de l’âme dans la perception qu’il donne du monde. Ainsi, il remonte dans les régions les plus hautes de l’esprit :
« Rien de bon n’est jamais sorti des reflets de l’esprit se mirant en lui-même. Ce n’est que depuis que l’on s’efforce de se renseigner sur tous les phénomènes de l’esprit en prenant le corps pour fil conducteur, que l’on commence à progresser. »
Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux
Plus loin dans son texte, B.J Murphy définit le corps humain comme du « papier-mâché organique ». La vieillesse serait quant à elle « un défaut » des organes, programmés pour l’obsolescence au contact d’environnements destructeurs, une idée qui revient souvent. Pour palier ces graves déficits de mère nature, rien de plus simple : il suffirait de transférer un esprit humain dans un corps robotique, Abracadabra ! Pour ce qui concerne la grand projet civilisationnel qui supporte le tout, il tient en une phrase :
« With synthetic organs, aided by A.I., the longevity of our species will become nothing more than a mere choice of each individual »
Ici, on nage littéralement en pleine science-fiction. Avant de considérer le prolongement de la vie par des machines comme un service disponible pour tous, il s’agirait de commencer par faire de même avec l’ensemble des médicaments et techniques médicales disponibles sur le marché. Et quand bien même, le projet transhumaniste ne peut décemment pas être comparé à un hypothétique vaccin contre le paludisme ou un traitement définitif contre le SIDA. Les transhumanistes ne veulent guérir aucune maladie, sinon la vanité de quelques-uns.
Le transhumanisme est un conformisme
Quand on soulève le tapis de la pensée magique transhumaniste, on retombe sur une fable bien connue : un forme de conformisme tout à fait moderne. En effet, le folklore marketing des transhumains n’est pas bien loin de celui des vendeurs de crèmes anti-rides ou des pilules contre le vieillissement (Ray Kurzweil lui-même en avale une cinquantaine par jour). Chez Humaitech comme chez Initiative 2045 (lire le billet précédent), les avatars robotiques en vitrine sont conformes aux canons de beauté du moment : silhouettes élancées, peau resplendissante, regard profond. Vous me direz, quitte à changer de corps, autant éviter d’être petit, moche et et gros.
A gauche, la gentille robote de la série Real Humans,
à droite, la Homepage du site Internet Humai. La réalité rejoindra-t-elle la fiction ?
Nous méritons probablement mieux que cette vision étriquée de nos individualités. Ce qui fait de nous des humains, c’est justement nos singularités, nos imperfections. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la singularité que promeut Ray Kurzweil à travers le transhumanisme n’en est pas une. C’est tout l’inverse. La logique transhumaniste embarque une part d’eugénisme (peut-être malgré elle, et selon les courants de pensée). Elle exclut de fait les erreurs, les déviations, les bifurcations (mentales et physiques) qui font le terreau des génies. Oui, les génies ont souvent cette part de folie et de différence qui les hisse au sommet de la pensée humaine. La santé fragile de Nietzsche en est sans doute la preuve la plus flagrante. Et encore une fois, un des éléments au centre de sa pensée se dresse comme un phare dans le nihilisme transhumaniste :
« Deviens qui tu es. »
Pour Nietzsche, génie à la santé précaire, il faut cultiver en chacun de nous ce qu’il y a d’unique. L’uniformité, c’est la stérilité. À quoi bon faire comme tout le monde, si tout le monde peut le faire ? La seule voie de l’accomplissement personnel est la quête du singulier. Pour devenir qui tu es, il faut cultiver ce qu’il y a en toi de plus particulier, d’idiosyncratique. Les transhumanistes peuvent donc revoir toute leur stratégie marketing.
Le transhumanisme va-t-il faire de nous des moutons ?
Dessin de Camill
Mille ans de malheur
Malgré ces arguments en béton armé, certains humains continueront à se prendre pour des Dieux. Et pour cause, dans un monde occidental perturbé, l’idéologie transhumaniste apporte une réponse forte à un besoin de transcendance, et probablement à une peur du vide. Le gouffre de la vie éternelle surgit donc comme un salut renouvelé de l’âme, une Sola Gratia scientifique qui met les hommes à genoux devant la puissante divinité informatique.
Aveuglés par ce flash lumineux, les transhumanistes semblent oublier que l’humanité n’est pas tout à fait assimilable à du code informatique. Prétendre que le mental peut être réduit au traitement binaire, c’est faire du rase-mottes dans l’échelle de la pensée. Les processus qui génèrent du sens à partir des données informatiques (dits processus de discrétisation ou de grammatisation) négligent une infinité de caractéristiques jugés inutiles : l’homme n’est pas entièrement réductible à de la donnée.
À ce titre, Yves Citton, théoricien de la littérature, signale que cette numérisation à tous crins de nos subjectivités fait écho aux délires science-fictionnistes dans un immense malentendu :
« Nous faisons comme si les flux de courant électrique d’influx nerveux, de bits informatiques et d’influence médiatique se superposaient plus ou moins parfaitement, parce qu’il participeraient d’une même mystérieuse substance commune (l’ « information »). »
Qui plus est, quand bien même une partie d’une personnalité se retrouverait collée sur du silicium, on peut légitimement se demander comment elle occuperait l’éternité. La vie des Dieux vaut-elle la peine d’être vécue ? Une fois de plus, Nietzsche peut répondre à cette question. Pour le philosophe, il s’agirait de « mourir au bon moment ». Bien qu’au cours de sa vie, il n’ait pas toujours eu le même rapport à la mort, Nietzsche finit par penser que l’absurdité des derniers instants implique le choix du moment de sa propre mort. Ainsi, la mort devient un témoignage de la vie, et on devrait pouvoir décider quand la faire entrer en scène, (y compris en se suicidant). Cette réflexion en dit probablement autant sur le personnage de Nietzsche lui-même, (accablé toute sa vie par ses problèmes de santé), que sur la portée philosophique d’un tel raisonnement, notamment sur la religion catholique. Dans tous les cas, elle nourrit encore aujourd’hui les controverses concernant l’euthanasie libre et consentie, Nietzsche disait à ce titre :
« Le malade est un parasite de la société (…) une fois atteint un certain état, il est inconvenant de vivre plus longtemps »
Crépuscule des idoles ou Comment on philosophe avec un marteau
Si une telle pensée renvoie directement à l’idéologie transhumaniste, c’est parce qu’elle constitue en creux la fond de la pensée Nietzschéenne : si la mort est inévitable, parfois accidentelle et inexorablement nécessaire, alors il faut célébrer chaque instant de la vie pour construire le bonheur. Cette assertion, c’est l’ « Eternel retour » Nietzschéen. La notion d’éternel retour est aussi centrale qu’elle est floue dans la philosophie de Nietzsche, mais elle revient plus ou moins à ceci : « Vis chaque instant de ta vie comme si tu allais le revivre pour l’éternité ».
À certains égards, le transhumanisme répond au choix du moment de la mort, puisqu’il est aussi le choix du prolongement de la vie. Mais quand il devient synonyme d’immortalité, alors il est une fuite en avant, prolongeant l’éternelle insatisfaction de moments qui ne seront pas renouvelés, puisque le couperet de la mort n’arrive jamais.
Vivre mille ans, pourquoi pas, mais pour éviter de vivre mille ans de malheur, il faudra sûrement choisir de mourir plus tôt. C’est à dire au bon moment.
La fin de la mort est l’ennemi du bien
Partons du principe que quelques organes de substitution seront un jour accessibles à une petite majorité d’occidentaux, tout comme peuvent l’être une greffe de rein ou une transfusion sanguine. Personne ne s’en plaindra, si tant est que les systèmes de santé fonctionnent toujours à peu près correctement.
Tout en haut de la pyramide sociale, nous aurons probablement cette extrême minorité richissime dont la vie sera prolongée pour quelques siècles. Soit, ce n’est que l’extension d’un état de fait aujourd’hui constaté : les riches vivent mieux. En revanche, le danger de voir arriver des milliardaires robotisés (bon, là on est clairement dans la spéculation), c’est de voir l’environnement changer à la faveur des besoins (ou non besoins) de cette minorité. Je m’explique : non seulement cette minorité exclura de fait le reste de la population, mais il est probable que par dessus le marché, elle ne se soucie plus guère de la santé des écosystèmes naturels propices au développement de la vie organique, reléguée au second plan.
À cet effet, la société Humaitech rassure ses ouailles en prétendant que le corps robotique de demain « consommera moins » que celui d’aujourd’hui, il y a fort à parier qu’il soit également plus résilient face à des environnements pollués :
« A Humai body will use less resources than we do today and fundamentally change industries such as agriculture and renewable energy for the better. »
L’argument est aussi logique que controuvé. À quoi bon nettoyer l’atmosphère de ses particules fines et autres crasses carboniques, si on peut me greffer de nouveaux poumons tous les cinq ans ? Le transhumanisme se veut cette « réponse aux soucis de l’humanité », mais ne traite que les effets sans s’attacher aux causes, en cela il est une forme de « solutionnisme » et de forçage technologique (qui consiste à penser que la technologie est à même de résoudre les problèmes qu’elle génère).
Ainsi, conserver une certaine éthique du corps c’est produire une éthique de l’environnement. Nous sommes indissociables du milieu qui nous constitue en tant que singularité biologique et mentale (notre cohérence avec notre milieu, recouvre la notion d’individuation vue précédemment, elle-même issue de la philosophie de Gilbert Simondon).
Nous ne faisons que traverser l’espace-temps
Nous ne faisons que passer, quiconque pense le contraire a cédé à la démesure. Le vilain péché d’Icare, l’hubris, est le mal de ce siècle. Les quelques-uns qui s’accaparent l’innovation n’ont de valeurs que celles de leur propre égotisme. « Les valeurs doivent limiter les outils » disait Ivan Illich, dont la pensée reste tout à fait actuelle et nécessaire.
Rien n’échappe à l’usure du temps, pas même un corps robotique, encore moins le mental de ceux qui pensent que la vieillesse n’a pas de sens. Il est d’ailleurs insupportablement paradoxal de voir que les civilisations en recherche d’une prétendue sagesse s’acharnent à penser que cette dernière siégera dans une enveloppe charnelle éternellement adolescente, supposément dénué de l’expérience du temps. Ainsi, c’est le risque d’un véritable cauchemar qui nous pend au nez : la formation d’une élite de personnes âgées dans des corps juvéniles.
Dans la grande course au délire transhumaniste, il faudra probablement constituer des gardes-fous. Cet avenir est hautement hypothétique, mais s’il est possible, il adviendra. J’ai l’intime conviction qu’en technologie, ce qui peut être fait finit toujours par l’être, le XXème siècle nous l’a prouvé maintes fois.
« Cet avenir est hautement hypothétique, mais s’il est possible, il adviendra. J’ai l’intime conviction qu’en technologie, ce qui peut être fait finit toujours par l’être, le XXème siècle nous l’a prouvé maintes fois. » Quelle cinglante conclusion ! Des gardes-fous mortels peuvent-ils vraiment rivaliser ? Bel article en tout cas, même si on reste sur notre faim et qu’on aimerait un petit plus de « Descartes vs. Nietzsche vs. Murphy », parce que je ne suis pas sûre que Descartes aurait été serein face à de tels discours…
Des humains pour défier les Dieux ? C’est déjà arrivé dans l’Histoire non ? Ou au moins dans la mythologie. Et d’ailleurs c’est paradoxal, finalement la victoire des transhumanistes, c’est d’abord la victoire de Prométhée sur Zeus non ? Du coup on n’y comprend plus rien ! Pour le Descartes Vs Nietzsche Vs Murphy, je ne sais pas si ça vaut le coup de donner autant d’importance à Murphy… C’est juste un type qui soutient des transhumanistes, rien de plus…
pourquoi serions nous éternellement condamnés à faire ce que la technique nous enjoint de faire? « ne pas faire » : nouvelle vertu? sans nom il est vrai. Temps d’inventer.
Vaste question. La lecture de Jacques Ellul peut éclairer sur ce sujet. En somme, la technique avance, avec ou sans nous. La morale n’entre pas dans son giron, elle ne court qu’après elle-même !
C’est Todd qui disait qu’il était en train de devenir un militant en faveur de l’extermination de sa génération.
Tout plutôt que de vivre dans un monde de vieillards immortels!
Ce bon vieux Todd. Je me rappelle de ça oui, toujours ce petit chic anglais pour caresser les élans révolutionnaires (sans jamais vraiment y participer, en bon social-libéral). Mais bon, je respecte beaucoup le chercheur.
Il n’y a pas de hasard il n’y a que des rencontres. Je croise sur ma route Twitter ce jour Mais où va le web, ça m’intéresse, je vais sur le blog et vlan Nietzsche la joie par-dessus tout. Il se trouve que je monte le projet HubertMensch Nietzschéen en diable au pays de Lorient cette semaine. A voir sur le padlet collaboratif : https://padlet.com/mab68/CollectifHubertMensch ou sur Twitter @ctarkos ou sur Facebook Arto Rimbur Soyons surhumains. Parfait.
Bonjour, merci pour votre commentaire et ravi que nos idées se croisent ! En quoi consiste le projet HubertMensch exactement ? Pas sûr de comprendre sur le site internet. Dans tous les cas, vous pouvez reprendre et modifier le contenu de cet article s’il vous intéresse, je ne publie sous aucune licence particulière, il suffit donc juste de citer le nom du blog.
Au plaisir d’échanger dans le futur !
@L’auteur
Face à cet article intéressant et pertinent de mon point de vue, je répondrais par une boutade dont l’impertinence et le mauvais goût s’inspire directement du sujet abordé:
Le transhumain est à l’humanité, ce que le transsexuel est à la sexualité, un mélange des genres.
Gageons qu’une fonction d’autodestruction soit disponible en standard sur les transhumains, afin qu’ils puissent mettre librement un terme à leur suffisance éternelle.
Merci pour ce retour et ravi que cet article vous ait plu. Au sens propre, vous n’êtes pas trop de mauvais goût, au figuré, peut-être un peu 🙂 . Pour la fonction auto-destruction, je crois qu’elle est par définition dans le transhumanisme, elle EST le transhumanisme. De là à ce qu’on appui sur le bouton… Pas sûr.
Article intéressant qui touche à des questions véritablement existentielles. Ce pourrait être l’amorce d’un contre-discours face au marketing mensonger du Transhumanisme.
Le postulat de ce dernier est que nous serions objectivement réductibles à un ensemble de datas, transférables à l’envie sur un support non-organique. Il n’est pas difficile de prouver que cette assertion est une absurdité sur le plan scientifique, la Biologie n’ayant toujours pas résolu la question de la nature de la Conscience. On en revient donc à la fameuse question : quel est le soi à qui le Transhumanisme nous promet l’immortalité ? Comment le définir ? Est-il même souhaitable de le définir ? Existe t’il seulement ?
Ce qu’il y a d’enthousiasmant dans notre époque de pré-cyborgs et de djihadistes 2.0 (ou 0.0), c’est la nécessité de faire émerger un nouveau projet de société. C’est une réflexion qui relève à la fois de la philosophie, de la technologie, de l’économie, de la politique, de l’écologie, de l’anthropologie, des neurosciences, etc… Elle émerge, encore timide et balbutiante, à travers les visions d’un Rabhi et du mouvement Colibri, d’initiatives telles que Nuitdebout, d’asso comme Framasoft et dans une certaine mesure dans les prises de position du Pape François. Certains concepts clefs commencent à émerger : la permaculture, l’informatique libre, la gouvernance participative, les low techs, la durabilité et la résilience, etc… Autant de briques qui pourraient former la base d’un nouvel édifice. Manque encore la clef de voûte.
J’espère qu’on la trouvera rapidement avant que la maison ne s’écroule… ou qu’elle ne se soit définitivement transformée en prison.
Sur le plan scientifique, on ne prouve pas que quelque chose est une absurdité par l’absence de preuve que la chose est possible… Le fait que l’on n’ait pas compris la nature de la conscience ne dit absolument rien sur l’impossibilité de la transférer, et dit encore moins que c’est absurde ! Simplement que les transhumanistes vont vite en besogne en considérant possible une chose si incertaine.
[…] nouveau, je ne fais ici que pointer la démesure, « l’hubris » et donc le danger qui couve chez ces militants, sans exclure qu’un trou intellectuel béant […]
[…] Paradoxalement, quand aujourd’hui un technoprophète à la Hans Moravec prédit que bientôt « les humains seront considérés comme une espèce ratée » ou obsolète face au devenir de la technologie, que reste-t-il de cette question primordiale de qu’est-ce qui fait l’homme ? En oubliant son objet, qui est l’humain, le transhumanisme ne risque-t-il pas de passer à côté de l’avenir de l’humanité en prétenda… […]
cantonner l humain a sa mortalite…. Nietsche parlait de la nature de l homme de son ressenti, il n a jamais dit que ce ressenti devait etre fait d une chaire decrepie…. l essence de l homme s exprime dans son aptitude a dompter la nature, sans que n intervienne les « idees » conceptuelles. Dieu est mort, il ne vit plus que pour les gens simples d esprit, c etait deja un peu le cas au 18 eme siecle, ca l est totalement desormais. Que l esprit humain ait besoin d une soupape mystique, n a rien a voir, avec la croyance en une loi. C est meme sa critique, les lois morales sont un mirage. Il conspue aussi les moutons qui observent, ceux qui ne prennent aucun risque… le transhumanisme c est l inconnu, c est le surhomme, celui qui decide de son avenir, sans dieux, sans morale, tant pis si l humanite disparait, mieux vaut risquer d etre humain que de souffrir l esclavage a la nature.
Si je peux me permettre, je ne suis pas sûre que la remise en cause des lois morales chez Nietzsche aille avec un abandon total de moralité (beaucoup de rapprochements peuvent être faits à ce niveau-là, même si cela peut paraître au premier abord paradoxal, entre les pensées kantienne et nietzschéenne : ‘Dieu est mort’ signifie que la morale ne doit plus être liée à Dieu, à des dogmes, cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de morale et que l’homme peut faire tout et son contraire, Nietzsche n’est pas un relativiste).
Et je vous retourne la question : être « transhumain » est-ce encore « risquer d’être humain » ? Nietzsche a été très influencé, et par les transcendantalistes, et par Spinoza. Je ne pense pas qu’il veuille sortir l’homme de la nature, au contraire. Il faudrait que je le relise, mais j’ai l’impression que tout l’enjeu de l’éternel retour, c’est précisément de vivre chaque minute, chaque heure, comme si celles-ci allaient se répéter indéfiniment… Pensez à votre matinée, qui pourrait prétendre être assez fort pour endurer de revivre en boucle ce moment ? Le surhomme, celui qui est dans la création, l’acte de création, lui, oui, il peut. Parce qu’il est sans cesse dans le mouvement, donc, il capable d’accueillir cet éternel retour sans peur. Mais le transhumain, l’homme augmenté, que crée-t-il ? En quoi sera-t-il plus fort pour vivre pleinement sa vie ? Je pense que c’est une interprétation trop facile de lier surhomme et transhumain, mais peut-être me contredirez-vous.
L’esclavage de la nature ? Ah bon ? Ce matin, je me suis levé à l’aurore avec le chant des oiseaux et les montagnes pour décor. Vous ne connaissez peut-être pas ce moment magique, lorsque les premières lueurs du jour commencent à poindre et que toute la nature semble saluer le jour à venir.
Avec ma compagne, nous nous avons fui l’aliénation de la ville et de ses technologies factices. C’était un saut dans l’inconnu : nul ne nous attendait et nous avions une vie à reconstruire, un monde de savoirs et de connaissance à nous réapproprier, voire à réinventer. Notre récompense, ce sont ces moments de grâce au gré des heures et des saisons. C’est la beauté de ce jardin que nous cultivons, la saveur des fruits et des légumes, des plantes sauvages, et l’immense liberté dont nous jouissons gratuitement, à chaque instant. Notre coin de montagne est notre royaume. Notre jardin est un paradis sur Terre. Et nous conspuons (joyeusement) les moutons électriques qui ont fait de la technologie leur idole. Non par jalousie, certainement pas. Juste que leur consumérisme effréné met en péril le fragile équilibre de notre Planète. A quoi bon conquérir Mars ou même l’Univers entier ? A quoi bon cette fuite en avant ? Nous avons tout, ici et maintenant. Encore faut-il en être conscient. Le Transhumanisme n’est qu’un ultime avatar du millénarisme, c’est à dire le refus de la réalité. Avec ou sans technologie, vous connaîtrez de toutes les façons la souffrance, la maladie, la vieillesse et finalement la mort. Votre refus d’accepter notre condition humaine ne fait que précipiter notre perte à tous.
Alors j’en profite pour signaler à tout ce petit monde qui parle beaucoup de Moutons (électriques, mais pas que), que nous avons monté une association ; Le Mouton Numérique, qui aime rappeler, comme le dit « Après moi le déluge », que la nature souffre de nos rêves de grandeur, mais qu’on ne force personne à la liberté. C’est par là : mouton-numerique.org
[…] qui, telle un nouveau point Godwin, cristallise les angoisses d’une société qui se délite. Les transhumanistes (dans leur version caricaturale, Silicon Valley, etc.) sont la parfaite représentation de la […]
[…] cette vision cumulative de la vie, vue comme une somme d’expériences s’agrégeant infiniment. Le pauvre philosophe doit se retourner dans sa tombe d’être mobilisé à cette […]
[…] loin. Allez savoir pourquoi, la conversation bifurque alors sur cet autre grand sujet discorde : le transhumanisme [6]. Il faut dire que les frontières entre le projet d’augmentation de l’homme par la […]
[…] Source image : http://maisouvaleweb.fr/nietzsche-contre-les-transhumanistes-une-plongee-dans-lart-de-bien-mourir/ […]
Je salue la recherche de cet article, il est important de mettre en garde sur ce thème.
Malheureusement, comme beaucoup de propos sur le transhumanisme, l’argumentation me paraît facile :
– on résume la transhumanisme à ses courants les plus extrêmes (vous auriez pu parler de technoprogressisme) et à ses positions les plus clivantes. Le transhumanisme propose beaucoup d’autres choses que la vie éternelle que vous peignez.
– Beaucoup d’arguments grinçants, ad hominem, qui relève plus d’une démarche de stigmatisation que d’argumentation sur le fond : ah ces transhumanistes, tous des vaniteux, orgueil surdimensionnée, un peu fous pour oser croire ce folklore, suppôt du capitalisme, et devant mes arguments « en béton armé » (j’y reviens) ils ne doivent pas revoir leur philosophie mais… leur marketing ! Facile de démonter une idéologie quand on la prend si peu au sérieux…
– Sur l’erreur de Descartes devenant erreur transhumaniste… Il me semble que vous faites fausse route. Considérer qu’il est possible de comprendre la manière dont le corps est à l’origine d’une subjectivité humaine, qu’il est possible de le repliquer sur machine, c’est tout sauf cartésien : Descartes voyait une différence de nature, voire de « plan de réalité » entre l’âme et le corps. Je ne sais trop comment argumenter, car je ne saisis pas du tout votre logique sur ce point.
– Argument omniprésent contre le transhumanisme : « on est beaux par nos imperfections » ; « notre humanité provient de notre finitude »… Il faut se mettre en tête une bonne fois pour toute qu’il est absurde de critiquer un mouvement qui prétend « transcender la nature humaine » en lui retorquant que, alors, on sera moins humains… Que l’humain ne sera pas heureux de cette manière… « 1000 ans de malheurs », mais vous pensez de manière statique : comme si une société de personnes vivant mille ans allait être exactement la même qu’aujourd’hui (sauf qu’on vit mille ans) ; comme si on allait garder exactement la même nature humaine. Quand l’espérance de vie augmente, la mentalité humaine change, les intérêts ne sont plus les mêmes, la société se transforme, les modes de transmission de connaissance évoluent, avant on faisait le même métier sur des générations et maintenant on peut vivre « plusieurs vies » en une seule, on a le temps pour ça et c’est génial. J’aurais aimé que lorsque petit je voulais être vétérinaire, sportif, écrivain, ingénieur, on m’ait dit que c’était possible (ça ne l’est pas). Ce n’est qu’un exempel ; mais partir du principe qu’une vie qu’on est incapable de se représenter serait la notre en trop long, c’est facile et pas très pensé.
– Il faut également arrêter d’aller si vite en besogne : nietszche était un génie ; il avait la santé fragile ; donc le génie humain vient des imperfections ; or avec le transhumanisme plus de santé fragile ; donc : plus de génie et on est tous exactement pareils… Aïe !! Typiquement le genre de raccourci éhonté qu’on ne peut faire que quand on prend si peu au sérieux l’opinion de l’autre, on qu’on ne s’adresse qu’à des convaincus… Pourquoi considérer d’emblée qu’un futur transhumain est un futur sans errances, sans erreurs, sans bifurcation…? Comment avoir un corps parfait (si je réduit à votre vision du transhumanisme) ferait de nous des dieux infaillible et incapables d’erreur ? L’essence du concept de singularité, pris au sérieux, est que plus rien n’est prévisible – même pour des génies et des experts du sujet – au-delà d’un certain seuil de progrès technique. Dire sérieusement : « Après la singularité, on sera tous pareils ! »… c’est un peu gros.
Bref, je ne suis pas transhumaniste, mais je trouve cela dommage que les arguments contre soient si peu recherchés. Car lorsque le transhumanisme fera offensive, on se rendra compte que la seule chose qu’on a pour l’arrêter (ou le faire aller dans le bon sens, c’est selon) ce sont des critiques personnelles sur les tenants de l’idéologie, une morale de l’imperfection entièrement construite de morale chrétienne et de traumatisme du nazisme qu’on peine à rationnaliser, un attachement périmé à une « nature humaine » dont on découvre tous les jours combien elle est un faux concept derrière lequel on est tous incapable de mettre quoi que ce soit, une pensée statique qui ne fait que plaquer le présent sur le futur, et au final, c’est ce qui ressort de votre article qui n’aborde finalement pas la question, une totale incapacité à penser ce que serait une nature non plus humaine, mais transhumaine. Et même pas, chez les transhumanistes, de personnes pour orienter la barque dans un sens meilleur : ceux qui auraient pu ne se seront jamais intéressés au transhumanisme à cause de ce genre d’articles. Je salue toutefois la réflexion, mais une prise au sérieux du sujet est nécessaire.
Bonjour. C’est un vieil article. Simplificateur. Sans prétentions. Imparfait à de nombreux égards. Les « attaques » ad hominem ont effectivement peu d’intérêt. Mais pour être sincère : je doute fortement de l’intérêt de discuter de la possibilité de vivre 1000 ans – et de ce qu’on ferait pendant ce temps. Je suis un peu passé à autre chose. Merci pour votre commentaire.
Bonjour,
Merci pour votre réponse calme – à la relecture je me rend compte que je me suis un peu emporté, veuillez m’excuser pour le ton « offensif ». D’ailleurs, pour ma part cette question de la vie à 1000 ans n’est pas non plus des plus intéressantes, car ce n’est pas il me semble les propositions du transhumanisme qui aient le plus de chances de séduire un grand nombre. J’ai un peu peur parfois qu’à le résumer à ça, on ne s’arme pas des concepts nécessaires pour y réfléchir lorsque ces réalités deviendront plus concrètes… Merci en tous cas pour votre travail (et votre manque de susceptibilité).
Bien à vous,